Sur un plan politique, il réussit à instaurer des trêves entre la France et l’Angleterre (mai 1295 et juin 1297). Mais, Boniface VIII avait une conception très draconienne de la papauté : toute créature sur terre devait être soumise à son autorité. Ainsi, par différentes actions, démontra-t-il rapidement qu’il affirmait tenir un rôle d’arbitre des couronnes européennes.
Position irrecevable pour le roi de France, Philippe IV qui estimait n’avoir de comptes à rendre qu’à Dieu ! Le torchon ne pouvait que brûler entre ses deux personnalités autoritaires et imbues jusqu’à la moelle de leurs prérogatives respectives.
Quand un égo rencontre un autre égo…
Tout commença par un simple désaccord financier. Depuis longtemps, les clercs étaient exempts de payer les taxes demandées par les souverains temporels. Or, en 1296, Boniface VIII exigea que tout impôt frappant le clergé soit soumis à son autorisation, ce qui revenait à nier la souveraineté des Etats en matière fiscale.
La France et l’Angleterre, les deux royaumes les plus visés qui, en raison de la guerre qui les opposait, avaient le plus besoin de fonds, réagirent violemment. Ne pas remplir ses coffres comme il l’entendait !? Et puis quoi encore! Philippe IV, en représailles, interdit la sortie du royaume – et donc vers Rome - de toute denrée précieuse. Le pape grimpa d'un cran sur ses ergots pontificaux avant de calmer le jeu pour faire face à une autre crise.
Les Colonna
L’expansion territoriale des domaines patrimoniaux du pape avait suscité des rancœurs tenaces particulièrement chez les Colonna, membres d’une grande famille romaine, pour qui cette extension constituait une menace. Etienne Colonna et son neveu Pierre, tous deux cardinaux, s’emparèrent d’une somme importante destinée à la papauté. L’argent fut rendu mais la famille refusa de donner leurs châteaux en gages et de livrer les coupables que Boniface VIII excommunia. Dénonçant l’absolutisme du pontife et sa fiscalité, le conflit entre les deux parties se transforma bientôt en croisade qui se conclut à Anagni.
Le fameux attentat, ou gifle, d’Anagni
Si dans l’intervalle la situation s’était détendue avec la France – le pape canonisa Louis IX en août 1297 – le conflit allait renaitre de ses cendres jusqu'au drame.
Sans consulter Philippe IV, Boniface VIII nomma au siège épiscopal de Pamiers le moine Bernard Saisset avec qui le roi de France eut des démêlées au point que Philippe IV l’accusa d’hérésie. Boniface défendant son moine, l’affaire monta en épingle et aurait pu se calmer si Guillaume de Nogaret, nouveau conseiller du roi en matière religieuse, n’en avait pas décider autrement.
Ne pouvant admettre que « toute créature humaine est un tout, de nécessité de salut, soumise au pontife romain », le juriste partit à l’attaque du pape et, le 12 mars 1303, dénonça Boniface VIII comme usurpateur, hérétique et simoniaque. Dans la foulée, il demanda au roi de faire convoquer un concile pour juger de l’affaire !
Peu après, pourvu d’un mandat très large, il partit pour l’Italie décidé à convaincre Boniface d’accepter le jugement du concile auquel le clergé français commençait à adhérer.
Le 15 août, rejetant toutes les accusations, Boniface prépara une excommunication contre le roi de France qui devait être publiée le 8 septembre.
Le 7, Nogaret, accompagné d’une troupe et profitant de complicités, arriva à Anagni où résidait le pape. L’intention de lui forcer la main était claire mais, fait aggravant, Sciarra Colonna et d’autres ennemis de Boniface, qui s’estimaient eux aussi humiliés et spoliés, se joignirent au groupe.