Avec une belle-mère comme Blanche de Castille qui exigeait que les époux dorment séparément dès qu’ils étaient en voyage, qui par ses manœuvres les contraignait à se voir à la dérobée, la vie n’était pas facile.
Accompagnant Louis IX en croisade, de 1248 à 1254, elle en partagea les moments critiques tout en donnant naissance à trois enfants.
A la mort de Blanche, le couple avait atteint sa maturité. Marguerite avait compris que sa participation aux affaires politiques serait réelle mais ponctuelle. Et puis il fallait bien contrôler les élans mystiques de ce mari en quête de sainteté et prêt à s’engager dans l’état monastique ! Mère attentive, épouse calme et patiente d’un soutien vigilent, elle restait vive, gaie, sensible et tenace. L'harmonie et la tendresse qui régnaient dans la famille royale faisaient figure d’exception dans les usages de l’époque.
S’il est un domaine où la reine œuvra pour donner de l’éclat à la monarchie ce fut bien celui de la Cour. Ayant reçu une éducation raffinée, elle adoucit les rudes mœurs capétiennes en ouvrant le palais de la Cité aux poètes, intellectuels et grands esprits du moment, tel Thomas d’Aquin.
La huitième croisade, en 1270, dans laquelle s’engagea Louis IX fut pour la reine une véritable tragédie. Outre son époux, elle perdit, un fils, une fille, une petite-fille, un gendre, une belle-fille. Par bonheur, Philippe III, le nouveau roi, était sain et sauf.
Commença alors pour elle un long veuvage. Philippe III affirma rapidement sa volonté et le conseil de régence, qu’elle dirigeait, fut remercié. Sachant que le pouvoir va et vient, elle laissa faire en s’occupant de la gestion de ses douaires. D’autres deuils la frappèrent. Malgré les épreuves et ses soucis de santé, elle ne s’aigrissait pas en vieillissant. Contrainte à nouveau de défendre ses intérêts provençaux, elle se battit sans obtenir ce qu’elle réclamait. Elle aurait pu s’attacher des partisans mais n’avait pas l’âme aux complots et n’était pas franchement attirée par l’exercice effective du pouvoir.
Elle enterra son fils Philippe III auquel succéda son petit-fils, Philippe IV, qui signifia clairement à sa grand-mère que son rôle politique était achevé.
Marguerite s'exécuta. Au soir de sa vie, sa grande affaire fut la canonisation de feu son époux qui donnerait un éclat particulier à la dynastie capétienne. Elle disparut deux ans trop tôt pour voir le résultat de sa volonté.
Retirée, auprès de sa fille Blanche, en l’abbaye des Cordelières du faubourg Saint-Marcel (et non pas aux Cordeliers) qu’elle avait fait agrandir, elle y mourut.
Philippe IV fit organiser des funérailles dignes d’une reine de France. Marguerite de Provence fut inhumée auprès de Louis IX devant le grand autel dans une tombe couverte d’une superbe plaque en cuivre doré autour de laquelle on pouvait lire cette épitaphe :
"Ici gift la noble royne de France Marguerite qui fu fame monfeigneur saint lois jadis roy de france qui trepassa le mercredi devant noel l'en de l'incarnation de notre seigneur mille 2 cents quatre ving quinze priez pour fame" .
Le 18 octobre 1793, en creusant sous un tombeau en cuivre, supposé être le sien et situé au milieu du chœur, les profanateurs ne découvrirent qu’une auge de pierre remplie de gravats avec une rotule et deux petits os. Le 20 octobre, ils poursuivirent vainement leurs recherches. Etait-ce tout ce qui restait de la reine ? Comme, à priori, aucune sépulture ne leur échappa, la chose est possible même si elle peut surprendre un peu. Ces maigres restes furent jetés dans une fosse commune et se mêlèrent aux autres ossements avant de réintégrer l’ossuaire de la basilique en 1817.