Comment ne pas être fasciné à minima devant cette personnalité et ce destin hors du commun qui inspirèrent des personnages de fiction à des écrivains tels que Honoré de Balzac (Vautrin dans La Comédie humaine) ou encore Victor Hugo (Jean Valjean dans Les Misérables) pour ne citer que parmi les plus célèbres. Quelle que soit leur nature, ses forfaits ne furent jamais entachés du crime de sang. Il avait inspiré de grands auteurs, la télévision et le cinéma allaient aussi se saisir de sa vie extraordinaire et lui conférer une place de choix dans la postérité.
A sa naissance, à Arras, la sage-femme avait prédit « Cet enfant fera du bruit dans le monde »…
Dès son adolescence, athlétique et escrimeur redoutable, le jeune coq, noceur invétéré, goûtait des plaisirs bien au-dessus de ses moyens ce qui l’amena à forcer le tiroir caisse de la boulangerie paternelle.
Ainsi, commença son étonnante carrière de mauvais garçon. Un mauvais garçon pourtant foncièrement bon, mais qui resta pris, plus ou moins malgré lui, dans le terrible engrenage des rixes, des duels, des vols, des poursuites, des incarcérations, des évasions multiples, des réincarcérations, qui se succédèrent jusqu’à sa condamnation, en 1796, à huit ans de travaux forcés au bagne de Brest pour un faux qu'il disait ne pas avoir commis. Il s’évada encore, mais fut repris et ce fut cette fois le bagne de Toulon qui l’accueillit avec les rigueurs réservées à un « cheval de retour ». Neuf mois plus tard, il reprenait la clef des champs…
1809. Un nouveau chapitre de sa vie allait s’ouvrir. Comprenant que le seul moyen d’échapper au bagne était d’entrer dans la police, il réussit à convaincre le préfet de police de l’employer comme agent secret. Le terme indicateur conviendrait tout aussi bien puisqu’il se proposa de dépister les criminels incarcérés sous de fausses identités.
Présence d’esprit, ruse, adresse, diplomatie, effronterie, tout servait le génie de Vidocq dont les résultats lui valurent d’être nommé officieusement chef de la Police de Sûreté en 1811. Son titre officiel n’intervint qu’après la grâce que lui accorda Louis XVIII en 1818. Recrutant ses agents parmi les gens du milieu, ses méthodes peu orthodoxes mais efficaces, l’exposèrent à la jalousie des « eunuques du sérail », ses rivaux de la préfecture enlisés dans leurs échecs qui tentèrent par tout moyen de le déstabiliser.
Ses ennemis se trouvaient dans la pègre mais aussi au pouvoir. Par deux fois, ses supérieurs le firent démissionner tel en 1827.
L’année suivante, il s'installa à Saint-Mandé (Val-de-Marne) où il possédait déjà une résidence, et où il créa une petite usine de papier infalsifiable et d'encre indélébile pour laquelle il engagea d'anciens détenus au grand dam des habitants de la région.
Il publia ses Mémoires. Ruiné par son affaire, rappelé officieusement par Casimir Périer, il aida à sauver le trône de Louis-Philippe lors des émeutes de Juin 1832 en prenant lui-même plusieurs barricades tenue par les insurgés. En novembre, il démissionna définitivement du service public pour fonder le Bureau de renseignements pour le commerce (1833), la première agence de détectives privés.
En 1837, la police, jalouse de ses succès, se débrouilla pour monter un procès contre lui dont il sortit relaxé et triomphal.
De nouveau inquiété cinq ans plus tard, il eut, en 1847, le chagrin de perdre sa femme atteinte d'un cancer. Fleuride-Albertine (1793 - 1847) au soutien indéfectible et à qui l'Eglise ferma ses portes sous prétexte qu'il n'était pas prouvé qu'elle ne s'était pas suicidée avec l'un de ses remèdes ! Il se retira des affaires et vendit son agence.
Après la révolution de Février 1848, il collabora avec les services Bonapartistes pour qui il servit d’indicateur chargé d'infiltrer les meneurs de l'insurrection du 15 Mai 1848.
Il survécut au choléra qui faillit l’emporter en 1851, mais ne résista pas aux affres de l'âge. Quasiment paralysé des jambes et presque aveugle, François Vidocq mourut au 82, rue Amelot (anc. 2, rue Saint-Pierre-Popincourt), assisté de sa servante Jeanne.
A peine froid, l’administration impériale ordonna une perquisition à son appartement pour saisir des documents susceptibles de nuire au régime.
Depuis que l’Eglise avait refusé un enterrement chrétien à sa femme, Vidocq s’était détourné de la religion vers laquelle il revint quelques temps avant sa mort.
Il avait souhaité de modestes obsèques, elles le furent. Le 12 mai, après une cérémonie en l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement (rue de Turenne), le corbillard des pauvres, suivi de dizaines d’amis et d’une centaine de nécessiteux auxquels, selon la volonté du défunt, il fut distribué du pain et de l’argent, prit le chemin du cimetière du Père-Lachaise où il fut inhumé dans la 20ème division, ligne 4, fosse 7.
Comment le lieu de sépulture d’un personnage de son envergure a-t-il pu ainsi sombrer dans l’oubli ? Le temps, simplement le temps qui efface la mémoire des hommes et les traces dans les cimetières.François Vidocq n'est pas le seul à en avoir été victime. La terre des cimetières conserve encore plus d'un secret. Au moins savons-nous maintenant où le mena son ultime voyage.
La concession de sa sépulture temporaire ne fut jamais renouvelée. Ce qui laisse largement supposer qu’il ne bénéficia pas non plus d’une tombe digne de ce nom. Une pierre tombale, très ordinaire ? Pas même certain. Excepté dans le registre journalier des inhumations, son nom n’apparait dans aucun autre registre ou document du Père-Lachaise.
Oubliée, avant même la fin du 19ème siècle sa tombe n’existait déjà plus, ses os avaient disparu. Dans le cas contraire, il serait inconcevable que Jules Moiroux, conservateur du cimetière et auteur du meilleur ouvrage de référence encore existant sur le sujet, paru en 1908, soit passé à côté de cette célébrité. Reste le mythe, la légende…