Après quelques années de mariage Marguerite et Blanche se sentaient délaissées par leurs époux. Leur tempérament et leur jeunesse les portant à des aspirations où la raison d’état n’avait guère sa place, les deux princesses avaient cédé au charme de deux frères gentilshommes normands, appartenant à la suite du roi, les chevaliers Philippe et Gaultier d’Aulnay qu’elles recevaient depuis deux ans et demi pour des ébats coupables. Jeanne, elle, se contentait d’être dans le secret qui fut découvert.
Alors qu’elle séjournait à la cour de France, Isabelle, leur belle-sœur et reine d’Angleterre aurait reconnu des aumônières qu’elle avait offert aux princesses et qui, sous ses yeux, se balançaient à la ceinture des frères d’Aulnay. Averti par sa fille et scandalisé, Philippe IV fit surveiller ses brus et les deux imprudents. Une fois les preuves d’adultère réunies, le scandale éclata par un beau printemps de 1314.
Torturés savamment, l'un et l'autre donnèrent tous les détails de leur double liaison qui remontait à deux ans et demi, les lieux de leurs rencontres, les noms de leurs complices qui furent torturés et discrètement jetés dans la Seine.
Déjà peu enclin à la compassion, Philippe IV craignait aussi pour la dynastie héréditaire. Certes, ses fils étaient bafoués mais le plus grave était qu’on ne badinait pas avec le risque de bâtardise. Pour l’avoir ignoré, les deux amants, après un rapide jugement et malgré leur rang, furent condamnés pour crime de lèse-majesté à un supplice dont le raffinement de cruauté confond encore.
Amenés sur la place du Grand Martroy de Pontoise, ils furent écorchés vifs, châtrés et décapités. Leurs corps sans tête furent suspendus par les aisselles au gibet public et leurs sexes, objets du crime, furent jetés aux chiens.
Bien que sans preuve, on peut raisonnablement penser que personne n'osa contrarier la justice du roi en décrochant les dépouilles qui, dans ce cas, pourrirent sur place. Telle fut peut-être leur sépulture.
Le peuple, qui ne songeait guère aux problèmes de filiations, avait quelque peine à comprendre que tromper son mari fût un crime passible de mort. Il trouva la sentence bien rapide et bien sévère.
La fameuse légende des orgies des princesses de Bourgogne, dont les amants étaient jetés du haut de la tour de Nesles après consommation, ne vit le jour qu’au siècle suivant avec la Ballade des Dames du Temps jadis de François Villon, elle-même relayée par Brantôme au 16ème siècle, puis par Alexandre Dumas père.