Pour le coup on peut comprendre qu’Anne, bien qu’aimant son époux, ait pu être sensible à l’affection de galants comme le fameux Buckingham ou à l’adoration platonique d’Henri de Montmorency (le futur décapité) sans pour autant céder à leurs avances et qu’elle ait trouvé refuge dans des intrigues. En outre, l’influence néfaste de sa grande amie, la duchesse de Chevreuse, ne fut pas sans conséquence sur la vie du couple et l’antipathie que la reine affichait à Richelieu jusqu’à comploter contre lui. Enfin, sa stérilité durant seize ans puis deux fausses couches ne firent qu’accentuer la brouille entre les époux. Comme sa belle-mère, Marie de Médicis, pour Louis XIII qui enceinte s’adressa à Saint-Joseph pour que l’enfant à venir soit un fils, Anne s’adressa au même pour que ses entrailles portent enfin un héritier. Vingt-trois ans après son mariage, Anne était exhaussée.
A la mort de Louis XIII, Anne devint régente dès le début du règne de Louis XIV qui n’avait que cinq ans. Devant faire face à la Fronde fomentée contre Mazarin pour qui elle éprouve un sentiment amoureux, elle réussit à maintenir la continuité du pouvoir royal qu’elle transmit à son fils. En cela son rôle historique fut considérable. De ses soins attentifs portés à Louis XIV naquit un grand roi. De surcroît pieuse, charitable, amie du futur saint Vincent de Paul, c’est elle qui est à l’origine du couvent parisien du Val-de-Grâce devenu hôpital.
Anne fut atteinte d’un cancer du sein. Poudres de perlimpinpin, emplâtres et remèdes de charlatans n’empêchèrent pas la malheureuse de se voir démunie, au rasoir, de son attribut féminin gangrené par la maladie avant que celle-ci ne devienne généralisée. Malgré de fortes doses d’opium, Anne d’Autriche mourut dans d’atroces souffrances. Elle aurait souhaité mourir dans sa chère abbaye du Val-de-Grâce, mais l’étiquette voulant qu’elle mourût au Louvre, la reine mère y fut transportée après qu’on lui eut posé un pansement à l’eau de chaux recouvert d’un emplâtre à la ciguë.
Louis XIV, sincèrement touché par le décès de celle dont il disait « elle mérite d’être mise au rang de nos plus grands rois » lui organisa des funérailles grandioses. Sa dépouille, déposée en la basilique Saint-Denis, y reposa près de celle de Louis XIII jusqu’à ce que les profanations révolutionnaires l’extraient de sa sépulture le lundi 14 octobre 1793.
Fondatrice et bienfaitrice du Val-de-Grâce, alors que d’autres cœurs royaux étaient conservés dans une crypte de l’église du couvent, le sien était pieusement préservé par les religieuses dans le chœur de la chapelle.
A la Révolution, selon les uns, il fut jeté à la voierie ; selon les autres, il aurait été acheté par le peintre Martin Drolling afin d’obtenir de la mummie, nom que l’on donnait à la couleur brune provenant du mélange avec de l’huile de matières organiques préalablement broyées. Cette peinture donnait en effet, un glacis merveilleux que ne fournissait aucune matière minérale ou végétale ; très difficile à se procurer, elle était très recherchée par les artistes.