Après avoir conquis, soumis non sans difficultés et réformé son royaume d’Angleterre, ce fut au tour de son duché normand d’être gravement menacé. Outre Manche, ses ennemis ne manquaient pas ; parmi les plus acharnés, on comptait le comte d’Anjou, Foulque le Réchin et le roi de France Philippe Ier soutenu par l’un des fils de Guillaume, Robert Courteheuse. En 1087, le Conquérant traversa la Manche à la tête de son armée et arriva devant Mantes qu’il brûla lors d’un raid de représailles.
Au milieu des ruines et des flammes, son cheval fit un écart. Guillaume, devenu obèse, fut désarçonné et mourut de ses blessures au prieuré Saint-Gervais aux portes Rouen, sa capitale normande. Bien que cette version soit celle retenue depuis toujours, il se pourrait aussi qu’une maladie l’ait contraint à retourner à Rouen. Il occupa ses dernières heures à distribuer ses trésors aux pauvres et aux églises de ses domaines et à régler sa succession entre ses fils. Le 9 septembre, alors que la cloche sonnait prime, il mourut dévotement les mains jointes en murmurant une prière.
Le grand Guillaume avait à peine rendu son dernier son soupir que les plus riches de ses courtisans filèrent …à l’anglaise pour mettre leurs biens à l’abri. Les serviteurs constatant le désert du château en profitèrent pour piller tout ce qu’ils purent y compris le mobilier et s’enfuirent à leur tour.
Le corps de ce héros à qui obéissaient des milliers d’hommes et que les nations redoutaient avec effroi, gisait seul presque nu sur le plancher « depuis prime jusqu’à tierce ». On ne trouva pas même un serviteur pour veiller à ses obsèques.
Ce fut un dénommé Herluin, un chevalier du pays qui se chargea à ses frais « pour l’amour de Dieu et l’honneur des nations » du soin des funérailles. Par la Seine et par terre, il mena la dépouille jusqu’à Caen où la mise en bière devait être faite. Malheureusement, la bière était trop petite et le corps trop rigide. Au bout de moult efforts maladroits, le ventre fort gras de Guillaume éclata.
Durant l’office précédent l’inhumation, on eut beau agiter les encensoirs et se pincer le nez, rien ne put atténuer l’horrible odeur. Moyennant quoi, après une cérémonie expédiée, les prêtres effrayés se précipitèrent chez eux, sans autre forme de protocole.
Son fils et successeur, Guillaume le Roux, lui fit ériger un magnifique mausolée en marbre, surmonté d'un gisant.
En 1522, trois prélats venus de Rome firent ouvrirent le sarcophage pour une raison que le temps a oublié, mais qui devait être obligatoirement bien fondée car seuls des motifs très sérieux, comme les excommunions lors du vivant des personnes, pouvaient autoriser une telle violation.
Quoiqu’il en soit, les prélats trouvèrent la dépouille soi-disant en parfait état. Ce qui ne dura pas longtemps car quarante ans plus tard, durant les guerres de religion, le sarcophage fut profané lors de la mise à sac de l’église par les Huguenots. Les moines rassemblèrent les ossements. L’année suivante en 1563, une nouvelle incursion protestante provoqua la fuite des moines et la dispersion des os…sauf un fémur sauvé par le poète Charles Toustain de La Mazurie.
Cette unique relique retrouva son tombeau en 1642. En 1742, Louis XIV autorisa le déplacement de la sépulture dans le sanctuaire et qu’elle se limite à un simple caveau recouvert d'une pierre tombale.