Introduite à la Cour en 1635, elle s’y fit vite remarquer par sa beauté et, en 1642, épousa Henri II de Longueville. Intelligente, cultivée et vivant librement malgré son mariage, on ne compte plus ses aventures galantes dont, parmi les plus prestigieuses, La Rochefoucauld (l’auteur des Maximes) et le Grand Turenne.
L’esprit frondeur étant une valeur récurrente dans la famille, Anne Geneviève s’inscrivit dans la tradition et peut être considérée comme l’une des plus célèbres et farouches trublions enjuponnés de notre histoire.
Grande ennemie de Mazarin, en 1648, elle soutint Paul de Gondi, cardinal de Retz, lors de la Fronde parlementaire, qui s’opposait à la royauté, obligeant Anne d’Autriche et le jeune Louis XIV à fuir Paris. Et notre amazone de nommer son frère cadet, Armand de Bourbon-Conti, comme un généralissime des troupes levées par la Parlement, et de collaborer à la paix de Rueil en mars 1649. Mais Mazarin, objet de son ressentiment, était toujours au pouvoir. Ulcéré, le Grand Condé vint apporter son appui à la coalition qui repartit de plus belle, sous le nom de Fronde des princes qui, cette fois, ne tourna pas à l’avantage de la duchesse de Longueville.
Après l’arrestation de ses frères et de son mari en janvier 1650, elle s’enfuit en Normandie, mais échoua dans sa tentative de soulever la province. Poursuivie par les troupes royales, elle parvint Stenay où elle se réfugia auprès de Turenne, son ancien amant. Elle y resta un an négociant avec les Espagnols et poussant Turenne à se révolter contre Mazarin.
Echouant là aussi, elle continua sa fuite jusqu’à la signature du traité des Pyrénées en 1659. De retour à Paris, elle se tint le plus possible éloignée de la Cour qui d’ailleurs lui témoignait beaucoup de froideur.
Et puis, l’orgueilleuse duchesse opéra un retour sincère sur elle-même en se délectant de religion. Elle se rapprocha des jansénistes qui, après une longue confession, lui donnèrent l’absolution pour ses péchés et lui conseillèrent de dépenser sa pieuse énergie en faveur des pauvres. Ce qu’elle fit aussitôt. Vêtue de robes quasi monastiques, elle attira, malgré elle, une nouvelle Cour où l’on ne parlait guère que de théologie.
Frappée par des deuils, dont celui d’un fils adultérin en 1672, elle se fit construire une petite maison près de Port-Royal-des-Champs et partagea son temps entre cette résidence et le carmel de la rue Saint-Jacques dont sa mère fut l'une des fondatrices et bienfaitrices.
Suivant à la lettre les instructions de son nouveau directeur de conscience, M. Marcel, curé de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, toute proche du carmel, elle portait un cilice et multipliait les aumônes. L’âme damnée des deux Frondes mourut fort pieusement.
Selon sa volonté, Anne Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville, fut inhumée auprès de sa mère dans une tombe simple et plate en marbre blanc. Sa sépulture disparut en même temps que l'église après la Révolution.