Brillante tragédienne à la diction remarquable et à l’accent passionné qui, selon les témoins de son temps, portait l’art jusqu’à la perfection, Mlle Clairon, avait un caractère bien trempé la rendant aussi sympathique que détestable et faisant d’elle un objet régulier de polémique.
Détestable, elle l’était car en véritable enfant gâtée, grande prêtresse adulée de la Comédie-Française, elle était despotique et ne supportait pas la concurrence, ce dont Mlle Dumesnil, sa principale rivale, et Lekain vécurent à leurs dépens: « Elle est orgueilleuse et altière, ne pouvant souffrir aucun applaudissement qui ne lui soit destiné, et lorsque sa rivale, Mademoiselle Dumesnil, va la trouver par courtoisie pour la prier, au nom de ses camarades, de rester à la Comédie, qu'elle a témoigné l'intention de quitter, elle lui dira pour tout remerciement: «Ce que je ne comprendrai jamais, Mademoiselle, c'est que vous soyez applaudie plus que moi. Lekain, tragédien de génie, débute avec un plein succès. Immédiatement la Clairon organise une cabale contre lui, et, comme elle est toute-puissante, elle obtient sa radiation à la suite d'une lettre insolente qu'il lui avait écrite, retardant ainsi sa carrière de sept ans .»
Mais la Clairon, par son indépendance, son non-conformisme, sa volonté en tant que femme des Lumières de faire circuler au théâtre les idées nouvelles de son temps quitte à se créer des ennemis, avait des aspects bien sympathiques.
Au péril de sa carrière, elle défendit ses pairs contre la tyrannie des grands seigneurs et les exclusions des comédiens des sacrements de l'Église les condamnant à des conditions d’inhumation inhumaines.
Emprisonnée en 1765 à Fort-l'Évêque pour avoir tenu tête au duc de Richelieu qui voulait imposer à la troupe un acteur endetté et déshonoré, elle refusa de remonter sur scène tant qu'elle et les siens ne seraient pas relevés de l'excommunication. Le roi ne céda pas. Mlle Clairon non plus. En pleine gloire, elle abandonna la Comédie-Française. Bon nombre de ses amis lui tournèrent le dos.
Elle partit avec le jeune margrave d'Ansbach, tombé éperdument amoureux d'elle, qui l'emmena dans sa principauté où elle passa treize années.
Elle revint à Paris en 1786, put être témoin de la réhabilitation des comédiens dans l’Eglise puis, après quelques sursauts de charme et avoir écrit ses Mémoires, elle sombra dans la misère et vint vivre auprès de sa fille adoptive, Marie-Pauline de La Riandrie, rue de Lille chez qui elle mourut.
Mlle Clairon fut d’abord inhumée au cimetière de Vaugirard. Sur Internet on trouve fréquemment "cimetière Saint-Sulpice" : sans être faux, le terme, stricto sensu, est impropre car il entraîne une confusion de localisation. Les terrains du cimetière de Vaugirard appartenaient bien à la paroisse Saint-Sulpice qu'elle avait achetés pour remplacer d'autres de ses cimetières. Celui de Vaugirard, ouvert en 1784, était le sixième cimetière de la paroisse et est connu sous ce nom et non sous celui de Saint-Sulpice trop générique.
Quand le cimetière dut être évacué pour la construction du futur boulevard Pasteur, la dépouille de Mlle Clairon fut transférée au Père-Lachaise le 29 août 1837.