Véritable ville dans la Ville qui atteignit jusqu’à 8.000 personnes, non compris le personnel, la Salpêtrière était le plus grand hospice du monde. Microcosme composé majoritairement de la misère humaine, il faut imaginer la vie intense de l’établissement entre travaux quotidiens, promiscuité, problèmes d’hygiène quotidiens et insalubrité récurrente, disputes, complots, répressions et punitions, etc., jusqu’aux troubles de la Révolution et les massacres de septembre dont plusieurs de ces femmes furent victimes.
Les massacres du 4 septembre 1792
Excepté l’élargissement de femmes détenues à la Maison de la Force dont les dossiers n’étaient pas trop chargés, la Révolution n’apporta guère de changement au quotidien. Au 1er septembre 1792, elles n’étaient plus que 274 prisonnières.
Le 3 septembre, une bande armée, composée principalement de souteneurs, envahit le bâtiment des prostituées (le Commun/1 sur le plan) et en firent sortir toutes les femmes à commencer par leurs anciennes connaissances. Offrant à leurs libérateurs et au premier venu ce qu’elles nommaient leur pucelage, 187 d’entre elles furent libérées avant que n’accourût un bataillon appelé pour rétablir l’ordre.
Le 4 septembre, la Salpêtrière fut de nouveau encombrée tant par les souteneurs de la veille venus revoir le terrain de leurs exploits, que par des filles libérées désireuses de satisfaire quelques vieilles rancunes, que par des badauds alléchés. Bien que prévenu, Antoine Joseph Santerre, commandant de la Garde Nationale, ne fit rien. En fin d’après-midi, venant de l’hospice de Bicêtre où ils avaient déjà massacrés à qui mieux-mieux, des hommes armés de sabres, d’instruments tranchants et de gourdins arrivèrent à la Salpêtrière. Un tribunal improvisé s’installa dans le bâtiment de la Prison (2 sur le plan) et examina les livres d’écrou sur lesquels se lisaient les noms des 87 femmes encore détenues. Décision fut prise de massacrer par ordre d’ancienneté. Si 52 furent néanmoins libérées au cri de « Vive la Nation », 35 furent tuées, ce qui prit toute la nuit. Au petit jour, les tueurs, accompagnés de souteneurs et de curieux, envahirent le pavillon Sainte-Claire qui accueillait les jeunes filles de 14 à 20 ans et les violèrent copieusement. Puis, ils inhumèrent leurs victimes.
A la sortie de l’établissement, ils furent surpris de trouver 22 femmes qu’ils avaient libérées mais qui, sans logis, sans ressources, sans amis ni familles, et de plus qui n’avaient pas reçu le petit pécule accordé d’habitude aux sortantes, demandaient à être réintégrées. Satisfaction leur fut donnée.
Ces scènes de carnage et de viol terminèrent l’histoire de la Maison de la Force de la Salpêtrière qui ferma en décembre 1794 et fut remplacée par la prison Saint-Lazare destinée aux femmes.