La première supérieure en fut Suzanne Tubœuf dont le frère, Jacques Tubœuf , intendant des finances d’Anne d’Autriche, par ses libéralités, avait permis l’acquisition de la maison et avait pourvu généreusement à ses soins. En 1647, le tout jeune Louis XIV en approuva l’existence par lettres patentes. La communauté se développa et atteignit au moins une cinquantaine de religieuses. Aucun évènement vraiment marquant ne semble avoir perturbé leurs vies jusqu’à la Révolution.
Contraintes à renoncer à la vie commune, elles abandonnèrent leur couvent le 2 mai 1792. L’établissement fut alors loué à un certain Riédain qui se réserva le pavillon et sous loua une partie du domaine au dénommé Coignard. Ce dernier transforma sa location en maison de santé comme celle du fameux docteur Belhomme.
C’est alors, en juin et juillet 1794, que l’ancien couvent rentra dans l’histoire d’une façon dramatique : c’est au fond de son parc que furent jetées dans deux fosses les 1306 guillotinés à la barrière du Trône lors de la Grande Terreur. Ainsi, le cimetière de Picpus devint-il le dernier des cimetières révolutionnaires et surtout le seul à avoir conservé les corps des défunts.
En 1796, les bâtiments conventuels furent vendus, transformés en filature de coton puis démolis. Seule l’église subsista un temps.
Après le rachat, en 1802, du jardin du couvent réuni au terrain qui contenait les fosses, les familles des victimes souhaitèrent la venue d'une communauté religieuse à proximité. Ce vœu se concrétisa en 1805 avec l’installation de la congrégation des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration perpétuelle, dont l’aventure avait commencé à Poitiers sous la Révolution par la rencontre de deux destins : celui d’Henriette Aymer de la Chevalerie et du père Pierre Coudrin qui avait refusé de signer la constitution civile du clergé. Au cours de son ministère clandestin, il fut amené à prendre la direction spirituelle d'un groupe de femmes pratiquant l'Adoration et aidant les prêtres réfractaires (Société du Sacré-Cœur).
En 1794, il rencontra Henriette Aymer de la Chevalerie profondément bouleversée par un monde d’où était exclu l’expérience mystique et l’amour de Dieu . Elle s'était convertie en prison et avait un rare don d'oraison et un esprit de mortification. En 1797, le père Coudrin lui fit part de son projet de fondation. Ils prononcèrent leurs vœux le 24 décembre 1800, comme Zélateur et Zélatrice de l'Amour des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. Une nouvelle famille religieuse est née.
Les débuts furent difficiles. Entre autres, le père Coudrin et son évêque, Mgr de Chabot, furent convoqués par Napoléon Ier pour indiscipline notoire dans l'application de son Concordat. Surmontant, les écueils, la communauté survécut et se développa. Le gouvernement de l'Œuvre fut parfaitement réparti entre les deux fondateurs. Les premières communautés s'attachèrent à signifier l'Amour de Dieu dans une société où l’on ne savait plus ce que cela signifiait. Tant en France qu'à l'étranger, les frères prirent en charge des missions paroissiales, des séminaires, des écoles, etc.. Les sœurs ouvrirent des écoles gratuites pour les pauvres.
Répondant aux vœux des familles des victimes de « Picpus », la mère Henriette Aymer installa ses sœurs dans ce qui restait du Couvent des Chanoinesses le 22 mars 1805. Une école gratuite fut ouverte pour les enfants pauvres du quartier, puis un collège et un hébergement pour des séminaristes désargentés. La communauté chercha à loger, nourrir, à adoucir le sort des malheureux et répandre l'Evangile. Les deux fondateurs terminèrent leur existence à Picpus.
La chapelle fut reconstruite vers 1840 par l'architecte J.A. Froëlicher pour que les offices commémoratifs soient célébrés par les sœurs de la congrégation. Elles s'en acquittent encore aujourd'hui. Très simple, le petit édifice possède un autel dédié à Notre-Dame de la Paix. Un tableau évoque les seize carmélites de Compiègne. A droite et à gauche de l’autel traditionnel, les murs de la chapelle sont ornés de grandes plaques de marbre portant les noms de la totalité des personnes enterrées dans les deux fosses. Cette liste fut reconstituée d’après les minutes de leurs procès qui ont été conservées.
La Communauté de Picpus compte actuellement une dizaine de sœurs qui fourmille d'activités. Si la prière est leur toute première mission, la seconde est l’accueil de jeunes étudiants, de groupes d’enfants, de groupes d’adultes, l'aide aux associations de démunis, etc.