Dans les gestes de ses deux protégées, il vit des signes représentant directement les idées et comprit les enjeux de la langue gestuelle qu'il décida de développer selon la syntaxe française, cette syntaxe étant aperçue comme la représentation de la logique universelle humaine que les bien entendants de toutes les nations pourraient apprendre.
Il ouvrit une classe ouverte à toutes les classes sociales et gratuite où il réunit les enfants sourds de plusieurs pensions de son quartier.
Grâce à son instruction, non seulement il rendait à la citoyenneté ses élèves sourds de tout âge mais les intégrait encore à un projet de paix par un langage universel.
Il n’était pas le premier à éduquer des malentendants, même avec des gestes. En revanche, le regroupement des élèves sourds dans son institution et le besoin de communiquer entre eux favorisa et perfectionna la langue des signes française (LSF), la langue naturelle des sourds.
De nombreuses controverses existèrent autour de sa méthode à laquelle s’opposait la dactylologie, technique consistant à former manuellement les mots par l'épellation alphabétique. A la simple restitution d'une enveloppe vide de sens, l'abbé de l'Epée préférait une représentation des entités spirituelles et soutenait l'importance des gestes pour l'essor de l'intelligence et l'existence d'une mémoire visuelle suppléant la mémoire auditive.
Quelles que soient ses erreurs, en postulant que les sourds étaient éducables, il alla à l'encontre de l'opinion la plus répandue à son époque ; en adoptant sans réserve la langue des signes, il légitima ce mode de communication ; en ouvrant gratuitement les portes de son institution aux plus pauvres, il a permis la naissance d'une communauté sourde, à l'origine de la prise de conscience d'une spécificité et d'une lutte pour l'obtention d'une reconnaissance. En cela, il fut révolutionnaire.
En 1791, deux ans après sa mort, l'Assemblée nationale l'a reconnu en décrétant que son nom serait inscrit comme bienfaiteur de l'humanité et que les sourds bénéficieraient des Droits de l'homme.
L’abbé de l’Epée fut inhumé dans une modeste tombe en l’église Saint-Roch. En 1840, grâce à une souscription des sourds-muets, un monument fut érigé en sa mémoire dans la chapelle Sainte-Suzanne. Sur la partie inférieure du cénotaphe, la liste des lettres de l'alphabet en signes du langage des sourds-muets.