A une époque, il existait en France un foisonnement de magasins d’alimentation où le café se grillait devant la porte, où l’on cassait le sucre moulé en pains coniques, où le sel et les cristaux de soude étaient extraits de sacs Les légumes secs, où les graines et les pâtes alimentaires étaient exposées à la poussière dans des casiers en bois, etc. Les rayonnages qui s'élevaient jusqu'au plafond, les tiroirs fourre-tout, tout cela était très pittoresque mais manquait d'ordre, d'unité, de propreté, d'organisation et de productivité. Les réapprovisionnements se faisant par petites quantités, les frais généraux étaient élevés et les prix s’affichaient en conséquence.
Une poignée d'hommes actifs et avisés eurent alors l'idée géniale de grouper un certain nombre d'épiceries, de les transformer toutes sur le même modèle et de les soumettre à une même organisation. Le résultat ne se fit pas fait attendre : les importantes économies sur l'achat des marchandises, qui augmentaient le chiffre d'affaires en réduisant les frais généraux, tel était le secret de la réussite des sociétés à succursales multiples.
A défaut d’être le tout le premier à créer ce type de société, comme Les « Établissements Économiques des Sociétés Mutuelles de la Ville de Reims » créés en 1866, Octave Goulet et sa femme Eugénie Turpin en reprirent l’idée et lui donnèrent une ampleur qui en fit les pionniers du genre.
Travailleurs acharnés et ingénieux, leur épicerie rémoise devint suffisamment prospère pour acheter un camion et un cheval afin d’acheter des légumes le matin et livrer les commandes de leur clientèle. Bien d’autres camions, chevaux et innovations plus tard, en 1886, ils installèrent leur première succursale à Montaigu (Aisne). Devant le succès, d’autres virent le jour très rapidement, la maison mère restant à Reims.
En 1900, Octave fonda une société anonyme. Dès lors, les Établissements Goulet-Turpin ne firent que se développer de façon considérable. Installées dans le champ des opérations de la Première Guerre mondiale, les succursales détruites renaquirent de leurs cendres et d’autres virent le jour. En 1928, date de la mort de leur fondateur, on en dénombrait 500.