Roy Bean avait, c’est le moins qu’on puisse en dire, une façon bien personnelle de servir la justice tout en préservant ses intérêts. Son saloon-tribunal étant situé près de la voie de chemin de fer, il profitait des courts arrêts de trains, qui faisaient leur plein d’eau, pour étancher la soif des passagers. Malheur au voyageur pressé qui n’avait qu’un billet pour payer son verre, car le hasard faisait que le juge n’avait jamais de monnaie à rendre. Et si le consommateur avait l’outrecuidance d’insister, le Juge n’hésitait pas à transformer judicieusement le montant de la monnaie à rendre, en amende pour insultes !
Et tout était à l’avenant, y compris son animal de compagnie, un ours plus mal léché que dangereux, dont les apparitions mettaient rapidement tout le monde d’accord avec le juge.
L’imagination ne lui manquant décidément pas, il gagna aussi ses galons de célébrité nationale en organisant un championnat de boxe sur une île du Rio Grande, événement rigoureusement interdit au Texas. Malin, Roy savait ce qu’il faisait… la petite île était en territoire mexicain.
Le portrait de cette aimable fripouille serait incomplet si on ne précisait pas qu’il avait du cœur, qu’il préférait condamner à des corvées qu’à la prison et, qu’à bien y regarder, sa justice, certes souvent contestable, n’était pas la pire qui soit.
Peu après sa mort, une femme, animée d’une curiosité bien légitime se rendit à Langtry. A sa façon, elle venait rendre hommage à l’excentrique légende qui l’avait tant aimée. On l’aura deviné, sous la voilette de l’élégant chapeau, le regard découvrant les rues de cette ville était, mais bien sûr, celui de Lily Langtry.