Licencié en mathématiques en 1912, agrégé de philosophie en 1922, il poursuivit son ascension universitaire jusqu’à être nommé professeur de philosophie à la faculté de lettres de Dijon (1930) et obtenir la chaire de philosophie des sciences à la Sorbonne, de 1940 à 1955, poste qu’il quitta pour diriger l’Institut d’histoire des sciences.
Elu membre de l’Académie des sciences morales et politiques, il reçut le Grand prix national de lettres en 1961.
Très reconnue de son vivant, d'une puissante originalité, son œuvre s'avère à sa manière singulièrement provocatrice. D'un côté elle explore passionnément le dynamisme de la science au travail, les progrès turbulents de la raison, l'essor époustouflant de la physique et de la chimie dans la première moitié du 20ème siècle. De l'autre, elle exalte l'imagination des poètes, le monde de la ruralité, les valeurs de l'artisanat, et la mélancolie de l'eau. Elle produit un livre formidable sur l'espace propre à la maison, débat interminablement avec la psychanalyse et s'achève par une métaphysique de la solitude qui donne à toutes les dernières parutions du philosophe une tonalité grave, d'une lisibilité pourtant exceptionnelle.
Auteur d'une somme importante de réflexions, en rappelant juste son ouvrage majeur, Le Nouvel Esprit scientifique (1934), il fait de la connaissance scientifique une critique à la fois simple et rigoureuse : se méfier des de tous les exclusivismes car on ne peut jamais affirmer qu’il n’y aura pas de contre-exemples à la loi que l’on a établie ; dépasser le clivage opposant le rationalisme à l’empirisme « en exigeant le nécessaire effort de franchissement des obstacles épistémologiques qui nuisent au chercheur dans son travail » et proposer « matérialisme rationnel », etc.
Bref, connaître scientifiquement exige de s’opposer à ce qui est tenu pour vrai sans être offert à l’examen critique et à l’expérience : si elles ne sont pas offertes à la possibilité de la réfutation, les théories peuvent vite se transformer en préjugés. Ainsi proposa-t-il une philosophie du non dans son ouvrage éponyme (1940).
De même, il renouvela l'approche philosophique et littéraire de l'imagination, en s'intéressant à des poètes et écrivains, des peintres, au symbolisme ou encore à l'alchimie. Il mit en évidence que si l’imagination de l’individu lui est propre, elle est aussi structurée par un inconscient collectif, lui-même porteur d’archétypes. La littérature et la mythologie exprimant et mettant en forme ces archétypes.
Avec humour, il aimait rappeler son amour des choses simples et « naturelles » loin de l’image qu’on peut se faire à tort d’un philosophe. Il vivait dans un petit appartement place Maubert dont il ne sortait presque plus à la fin de ses jours.
Mort à Paris, il fut inhumé dans sa ville natale de Bar où il rejoignit dans la tombe sa femme morte prématurément (1886-1920).
Avec eux repose :