Dans le film Gladiateur de Ridley Scott (2000), après un combat dans l’arène du colisée, le héros déclare à l’empereur Commode : « Mon nom est Maximus Decimus Meridius, commandant en chef des armées du Nord, général des légions Felix, fidèle serviteur du vrai empereur Marc Aurèle. Père d'un fils assassiné, époux d'une femme assassinée, et j'aurai ma vengeance dans cette vie ou dans l'autre. » Dont acte.
Ce personnage de fiction fut en partie inspiré par un autre bien réel et bien ancré dans son époque : Marcus Nonius Macrinus qui, contrairement à Maximus, mourut en homme riche au terme d’une brillante carrière. Parmi les vaillants généraux qu’appréciait Marc Aurèle, Macrin, à ne pas confondre avec l’empereur éponyme, était de loin le plus capable et le plus proche de l’empereur.
Appartenant à la riche et puissante famille Nonii, Macrin, homme de l'Etat romain, servit sous trois empereurs en gagnant des positions de plus en plus importantes.
L’une de ses premières affectations d’importance fut d’intégrer le decemviri stlitibus iudicandis où les magistrats traitaient, notamment, du statut juridique d'un individu. Puis, il fut tribun militaire à la VII Gemina, une légion stationnée dans la province hispanique, et plus tard à la X Fretense à Jérusalem. De retour à Rome, dans les premières années de l'empereur d'Antonin le Pieux, il fut tribun de la plèbe puis préteur. Après le prétorat, il se vit confier deux des tâches dues aux anciens préteurs : le commandement de la XIVe légion Gemina, stationnée à Carnuntum en Haute Pannonie*, puis l'administration de la province voisine de Basse Pannonie, tâche pour laquelle il resta en Aquincum (Budapest) de 151 à 153 après JC. A une date postérieure à 161, il fut coopté parmi les « sodales antoniniani », puis accompagna Marc Aurèle dans une expédition militaire, ce qui lui valut le titre de comes (comte).
Proconsul d'Asie vers 170, il reçut le titre de « Sauveur de la province », titre vraisemblablement dû à son action au moment de l'attaque des barbares, et autres tribus, contre la péninsule balkanique et la mer Égée.
Nommé gouverneur d’Hispanie citérieure, qui couvrait la côte méditerranéenne des Pyrénées à Carthagène, il le fut peut-être aussi de Bétique qui correspond à l’actuelle Andalousie.
* Ancienne région de l'Europe centrale, limitée au nord par le Danube et située à cheval sur les actuelles Autriche, Hongrie, Slovénie, Croatie, nord-ouest de la Serbie et nord de la Bosnie-Herzégovine.
Bref, une belle carrière digne d’une intéressante biographie exemplaire de l’époque, mais pas de quoi émouvoir les chaumières. Macrin ne fut jamais esclave ni gladiateur, et ne mourut pas dans une arène après avoir vaincu le mal. Il s’en faut de beaucoup. Heureusement, les scénaristes veillèrent au grain pour livrer un destin bouleversant à souhait construit avec tous les ingrédients du héros magnifique : fidélité, droiture, honneur, force, amour. Une tragédie grecque à la romaine.
Alors, quand en 2008 les archéologues annoncèrent la mise à jour de la tombe de « Gladiateur », ce fut l’émoi, et le site fut regardé comme la plus importante découverte depuis des décennies.
Erigé par son fils, construit en forme de temple, recouvert de marbre, avec de hautes colonnes flûtées et un sarcophage complexe, c'était le dernier lieu de repos du le général romain.
Effondré et immergé dans le limon déposé à la suite d’une crue du Tibre, le mausolée fut ainsi protégé des pillards déjà très actifs avant la fin de l'ère impériale. Il ressurgissait du passé à l’occasion d’un projet immobilier de luxe. Juste à côté de la tombe, des colonnes de marbre finement sculptées et des tuiles de terre cuite ponctuaient un pan de voie romaine parfaitement conservé : la via Flaminia, qui s'étend le long du Tibre en direction du nord.
Parmi les éléments mis au jour, on trouva une partie de l'inscription funéraire qui permit d'attribuer le monument à Macrinus.