Durant l’Occupation du musée, cachée derrière ses petites lunettes rondes et son allure de maîtresse d’école, les nazis, ignorant sa maitrise de l’Allemand, commirent l’erreur de l’affecter au bureau du téléphone d’où elle put espionner les conversations pour retracer le parcours des biens dérobés. Avec une audace folle, pendant plus de quatre ans, elle répertoria tous les mouvements des œuvres volées, de leur provenance à leur destination, et renseigna la Résistance sur les trains qui les transportaient. Malgré la méfiance accrue de l’Occupant, qui la surveillait de très près, et qui, elle l’ignorait, avait planifié sa déportation et son exécution à la fin de sa mission, elle continua à espionner et découvrit le principal dépôt allemand au château de Neuschwanstein.
Son dévouement aveugle à l’art français n’avait laissé chez elle aucune place à la peur. Elle avait risqué sa vie plusieurs fois pour préserver les informations qu’elle détenait. Son travail officiel commença après la Libération. A l'automne 1944, afin d'éviter la destruction par un bombardement des dépôts allemands et autrichiens, elle communiqua leurs emplacements aux Alliés.
Entre 1945 et 1954, devenue secrétaire de la Commission de récupération artistique, puis capitaine au sein de la Première armée française, elle contribua à une tâche colossale : le rapatriement de plus de 60 000 œuvres et objets divers, spoliés aux institutions publiques (Musée de l'Armée, loges maçonniques, Bibliothèque polonaise…) et aux familles juives persécutées. Hormis le mobilier, plus de 100 000 pièces avaient été emportées en Allemagne entre 1940 et 1944.
Elle témoigna au procès des dirigeants nazis à Nuremberg. Durant la Guerre froide, elle fut aussi appelée à faire de l’espionnage dans la zone soviétique. En mars 1952, à son retour d'Allemagne, l’administration des Musées de France la nomma conservatrice des Musées nationaux. Elle dirigea un service créé à son intention : le Service de protection des œuvres d'art (SPOA), qui a pour mission la protection des œuvres d'art en cas d'un troisième conflit mondial.
Retraitée, elle continua à travailler sur la restitution des œuvres spoliées.
Alors qu’elle avait fourni un travail capital, qu’elle avait joué un rôle décisif dans le sauvetage des œuvres spoliées, qu’elle était l’une des femmes les plus décorées de la nation pour son action courageuse et héroïque pendant et après la guerre, Rose Valland mourut isolée dans une maison de repos à Ris-Orangis, et fut inhumée dans l’indifférence dans le caveau familial de son village natal isérois. Avec elle repose sa compagne, la Britannique Joyce Heer.
Son personnage est notamment, et entre autres, évoqué dans le film Le Train (1964) ou The Monuments Men, roman de Robert M. Edsel (2009) adapté au cinéma (2014).