Elle ne craignait pas davantage d’afficher sa bisexualité. Caractère bien trempé, Violette la
« scandaleuse », adepte de la provocation, était une figure du Tout-Paris.
Néanmoins, elle paya le prix fort pour ce que la société jugeait contraire aux bonnes mœurs : la Fédération féminine sportive de France lui ayant refusé le renouvellement de sa licence pour « mauvais exemple aux jeunes filles » : envolés les rêves de podiums pour les Jeux Olympiques de 1928. Deux ans plus tard, elle perdit le procès qu’elle intenta à la Fédération : la loi de 1800, interdisant le port du pantalon aux femmes, encore en vigueur à l’époque, avait eu raison d’elle. À travers sa personnalité c’était bel et bien un procès contre la libération des mœurs qui s’était mis en place.
Mortifiée, dorénavant privée de stade, elle se fit plus discrète et se reconvertit dans des activités artistiques de music-hall.
Avec l’Occupation, commença sa légende noire que certains remettent en cause en invoquant le fait que son nom n’apparaisse pas clairement dans des documents attestant d’actes graves dont elle fut accusée. Il est vrai que, quitte à fricoter avec l’ennemi, la dame ne fit pas dans la demi-mesure.
Ne cachant pas sa sympathie pour l’occupant, ayant des relations dans la pègre, soupçonnée d’avoir été recrutée comme espionne pour le compte de l’Allemagne nazie, Helmut Knochen (1910-2003), chef du service de renseignements de la SS à Paris, fit appel à ses services. Chargée des interrogatoires des femmes résistantes pour la Gestapo de la rue Lauriston, puis responsable de secteur dans les organigrammes de la rue des Saussaies de 1942 à 1944, créatrice de contre-réseaux d’infiltration dans la Résistance, elle était aussi chargée de juguler les réseaux anglais du S.O.E. L’ensemble de son œuvre lui valut le surnom de « Hyène de la Gestapo » et d’être condamnée à mort par l’Intelligence Service ou le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Après avoir échappé à plusieurs tentatives d’élimination, vint la bonne.
Le 26 avril 1944, au volant de sa traction-avant, Violette quitta Beuzeville en direction de Paris. Avec elle, le charcutier Bailleul, collaborateur notoire de Beuzeville, sa femme, deux de leurs enfants et leur gendre. Leur fille, pour cause de manque de place confortable dans la voiture, avait préféré prendre le train.
Pendant ce temps, en embuscade aux environs de Lieurey (Eure), des membres du maquis Surcouf, mouvement de la Résistance normande, attendaient. Dès qu'elle fut à portée, la voiture fut copieusement mitraillée. Tous les passagers étaient morts criblés de balles, sauf Violette qui jaillit par sa portière, un revolver au poing. Une rafale de balles et elle s'écroula.