Choix difficile pour l’exemple tant certaines bandes originales sont devenues cultissimes : la série des Angélique ; les OSS 117 ; les Fantômas ; Mélodie en sous-sol, Les Barbouzes ; Les Tontons flingueurs, Le repos du guerrier, Belle de jour, Le vice et la vertu ; Compartiment tueurs , Galia ; Moi y en a vouloir des sous, Les Chinois à Paris, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, etc. Tous les styles y passaient, du symphonique au jazz, du rock à la pop, avec une remarquable intelligence musicale.
En 1962, il acheta le château d'Hérouville (Val d'Oise) et, dans une aile, il stocka toutes les bandes originales de ses œuvres qui disparurent en fumée lors d’un incendie criminel en 1969. Une véritable catastrophe pour Magne qui n’en avait aucune copie et qui dut les recréer. Pour se faire, il lui fallait un outil de travail. Il installa alors un studio d'enregistrement professionnel et, pour l'exploiter commercialement, il fonda la Société d'Enregistrement Michel Magne. C’est ainsi qu’il inventa le concept de studio résidentiel où les musiciens vivent, mangent, dorment, et enregistrent, coupés du monde pendant des semaines, loin des pressions. Le succès fut énorme et parmi ceux qui y enregistrèrent un ou plusieurs albums : Canned Heat, Elton John, Cat Stevens, Pink Floyd, Magma, Eddy Mitchell, Nino Ferrer, David Bowie, et tellement d’autres. On imagine les concerts mémorables qui eurent ont lieu dans le parc de sa propriété.
Mais derrière cette réussite idyllique, se cachaient de sérieux problèmes de gestion. Sa générosité, l'accueil fastueux qu'il réservait aux artistes le conduisirent à la faillite. Contraint de céder le château (1979), il s'exila dans le sud de la France. De retour à Paris, il ne retrouva jamais son statut de grand compositeur de musique de films qui avait été le sien.
Ruminant cet échec, rongé par le sentiment d'avoir été injustement spolié d'une part essentielle de sa vie, il se suicida dans une chambre du Novotel de Pontoise.
Parmi les quelques B.O. qu’il signa encore dans les années 80, il y a celle des Misérables de Robert Hossein (1982) dans laquelle il composa le Requiem des barricades* qui accompagne un épisode tragique du film. Des destins foudroyés comme le sien. Il se dit qu’il pensa ce Requiem pour lui-même. Michel Magne n'a pas de tombe. Ses cendres reposent dans la case 1289 du columbarium du Père-Lachaise.
*Le requiem est de suite suivi du thème final, puis de celui de 1958 par Georges van Parys (1902-1971), autre grand compositeur.