Sans avoir les mœurs déplorables qu’on lui a prêtées, il est certain que l’abbé ne s’embarrassait pas de scrupules. Ce fut avec l’âge qu’il devint un trousseur de jupons ne dédaignant pas, à l’occasion les entremetteuses et les filles de joie.
Plus ambitieux que débauché, il avait bien plus d’intérêt à jouer la carte de la vertu vis-à-vis de son élève que de l’entraîner dans des vices comme on l’a laissé souvent entendre. Tous les témoignages l’attestent comme un homme de bonnes mœurs dont on s’honorait de l’amitié.
Il fut tout à fait à la hauteur de sa tâche et sut, sur ce point, satisfaire la princesse Palatine, mère de Philippe d’Orléans. Les choses se gâtèrent lorsqu’elle apprit l’influence qu’il avait eu sur la mariage de son fils et de Mlle de Blois.
Cependant, avec son museau de fouine, l’abbé, ébloui, regardait avec convoitise le faste de Versailles et de ses résidents. Il lui fallait bousculer les étapes pour devenir riche. De sollicitations en coups de chance, il finit par cumuler charges et dignités recevant au passage des abbayes en commende (d’où l’appellation d’abbé que lui conserva la postérité), la mitre d’évêque de Cambrai (alors qu’il n’est pas prêtre !) et le chapeau de cardinal qu'il convoitait avec ardeur.
Le fait que Philippe d’Orléans devienne Régent participa aussi à sa fortune. Devenu son Premier ministre, chantre de la diplomatie secrète et intriguant, en recherchant l’alliance de l’Angleterre, ce travailleur infatigable assura à la France une longue période paix.
Une fois le pouvoir absolu entre ses mains, nul ne put s’opposer à sa puissance. Il s’était mis en tête de surpasser ses prédécesseurs.
Puis, il s'aperçut qu’il lui manquait la consécration de monde littéraire et scientifique…En 1721, l’oubli fut réparé. L’abbé fut reçu à l’Académie française et, en 1723, à l’Académie des sciences.
Un peu avant la fin de la Régence son influence se fit moindre. Sa santé se dégrada rapidement dès le début de 1723.
Souffrant mille maux depuis des mois, le 9 août, il se fit conduire à Versailles où des médecins, sous prétexte de le soulager, lui infligèrent les pires souffrances. Il expira le lendemain au soulagement général, sauf de Philippe d'Orléans, qui fut sincèrement peiné.
Comme une paire indissociable, ce dernier le suivit dans la tombe quatre mois plus tard.
Depuis des années, Dubois avait réussi à s’aliéner une haine collective. Non pas qu’on lui reprochait ses prétendues débauches, ni son avidité insatiable, ni son machiavélisme, ni même son athéisme supposé ou réel. Pis que tout, cet homme issu du néant, de basse extraction, n’aurait jamais dû sortir de sa tourbe plébéienne ! Son ascension avait fait peur à la vieille France qui se voyait déjà déposséder de son pouvoir. Ainsi, à ses réels défauts on rajouta à loisir la calomnie.
Le petit peuple, qui ne l’aimait pas davantage, mena sa dépouille jusqu'à sa tombe sous les injures.