Cependant, la caricature du libertin veule, blasé de lui-même, se désintéressant des affaires de l’Etat au profit de plaisirs d’une société raffinée mais corrompue, alors que se multipliaient les signes avant-coureurs de la Révolution, reste encore bien accrochée à nos mémoires. Il est vrai qu’un film comme "Que la fête commence" de Bertrand Tavernier (1975) n’arrangea pas le cliché.
Vilipendé pour ses débauches notoires, on en oublie sa personnalité complexe et insaisissable autant que sa grande intelligence aux dons aussi surprenants que multiples, et curieux de tout. Brillant soldat, politique habile et travailleur acharné, il eut en plus l’immense mérite de ne pas vouloir être roi à la place du jeune Louis XV, ce que d’autres auraient pu être de faire. D’ailleurs il sut neutraliser les ambitions de ceux qui encombraient les marches du trône.
Malgré sa brièveté (1715-1723), la Régence, fut l'une des périodes de transition de l'histoire de France les plus marquantes par les mesures qui furent prises dans de nombreux domaines, poussant le pays vers la modernité.
A la mort de Louis XIV, la France était à bout de souffle, épuisée par les épreuves qu’elle avait traversées, plongé dans une crise financière sans précédent, prête à plonger dans les luttes de factions. En 1723, elle se retrouvait dans une situation économique, certes encore fragile, mais assainie, en paix avec ses voisins et sans troubles intérieurs.
Tout ne fut pas parfait, loin sans faut, mais en tant que Régent, il remplit largement le contrat qu’il s’était fixé à la prise de sa fonction.
Il compta parmi les grands Capétiens et, au bout du compte, aurait pu être un grand souverain n’en déplaise à Louis XIV qui, pour parachever sa politique d’abaissement des branches cadettes de la maison de Bourbon lui fit épouser, Mademoiselle de Blois, bâtarde légitimée.
L’épuisement et ses mauvaises habitudes alimentaires bien arrosées avaient entamée la santé du prince qui déclinait à vue d’œil. Une crise d’apoplexie eut raison de lui.
Sur le moment personne ne sembla le regretter, si ce n’est le petit roi. Avec complaisance on rappela sa vie scandaleuse. Les Cours étrangères lui rendirent davantage justice que ses compatriotes qui finirent par le regretter après quelques mois du nouveau gouvernement.
Apportée à Saint-Cloud, sa dépouille embaumée fut menée à Saint-Denis avec la pompe habituelle où ses obsèques n’eurent lieu que 4 février 1724.
A la Révolution, ses restes profanés furent jetés dans une fosse commune avant de retrouver leur place dans la basilique en 1817 dans l’ossuaire voulu par Louis XVIII.
Le cœur du Régent
Beau nom pour une pierre précieuse, mais en l’occurrence il s’agit de l’organe vital du prince.
On raconte que son cœur ayant été dévoré en partie durant son embaument par un de ses chiens danois, la partie qui en restait fut déposée en l’église du Val-De-Grâce. On raconte aussi que ce morceau de coeur fut l'un des rares préservés à la Révolution. Il se dit aussi que parmi les urnes de cœurs retrouvées vers 1840 chez un boutiquier figurait la sienne. Rachetée par le vicomte de Becdelièvre, elle aurait été confiée au musée Crozatier du Puy-en-Velay dont il était le fondateur. Bref, il se dit beaucoup de choses... En revanche une chose est certaine, la chapelle royale de Dreux possède bien une urne avec une plaque précisant qu'il s'agit du coeur du Régent. Néanmoins, même la conservation ne saurait affirmer qu'il s'agit bien de l'urne d'origine, qu'elle contient bien une relique et, si elle correspond à celle du Val-de-Grâce, ignore comment elle est arrivée jusqu'à Dreux.