Les enjeux étant considérables, côté anglais on était bien déterminé à briser l’expansion maritime et coloniale de la France. Ce fut l’occasion pour le jeune Pierre-André de faire l’apprentissage de ses premiers combats à La Bataille du cap Sicié (1744). Engagé dans celle du cap Finisterre (1747), il y fut fait prisonnier et garda de sa détention un vif sentiment anti-anglais.
Libéré, il sollicita un congé pour rejoindre Malte afin de faire ses classes dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (ordre de Malte). Par la suite, Suffren s’efforça de mener de front ses deux carrières au service du roi de France et de Malte en s’appuyant sur l’une pour faire progresser l’autre.
De retour en France en 1751, pendant que le pays et l’Angleterre reprenaient leur souffle, Suffren poursuivit sa carrière avec en arrière-fond la guerre au Canada français envahit par la perfide Albion.
De nouveau capturé et libéré (1760) avec promesse de ne pas se battre jusqu’à la fin du conflit, il retourna trois ans plus tard dans la marine royale en pleine reconstruction pour assurer sa revanche.
Après différentes campagne en Méditerranée, en 1778, sous le commandement de Charles Henri d’Estaing, Suffren partit pour l’Amérique où il participa à toutes les campagnes navales de la guerre d’Indépendance et où il se distingua notamment à Rhode Island et à la prise des îles de la Grenade (1779).
On lui confia ensuite une escadre destinée à la campagne des Indes. Après un succès au Cap-Vert (1781), il remporta toute une série de victoires au large des Indes jusqu’en 1783. Bien que ces victoires ne soient pas décisives, ce qui valut l’observation critique de marins modernes, elles infligèrent de grandes pertes à l’Angleterre et facilitèrent l’action des princes hindous contre les Anglais.
Accueilli à la Cour avec tous les honneurs dès son retour en France (1784), il fut nommé vice-amiral, accéda à la dignité de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit, etc., autant de dignités qui lui permirent de s’agréger à la plus haute noblesse et aux personnages les mieux en Cour et de décupler son influence. Tandis que la province proposait aussi des hommages de toutes sortes, le gouvernement néerlandais lui marquait sa reconnaissance par de fastueux cadeaux.
Pour service rendu à l’ordre de Malte, il reçut la charge de plusieurs commanderies et devint ambassadeur de l’ordre de Malte auprès du roi.
Resté longtemps agile malgré sa corpulence, il menait désormais une vie presque sédentaire, et sa gloutonnerie le transforma peu à peu en un homme d’une extrême obésité qui continuait à faire face à ses diverses obligations.
Sa mort soudaine à Paris fut à l’origine de ce qui est regardé comme une légende : il se serait battu en duel à Versailles où il s’était rendu. « Un rhume, une goutte remontée, joints à une fièvre putride, pour tout cela les saignées, ont eu bientôt pris fin [sic] de ses jours » seraient davantage la raison de son trépas.
Marin français par excellence, honoré, réputé et acclamé, « modèle de volonté, d’opiniâtreté, d’imagination et de courage » son nom a toujours été donné à une unité majeure de la marine française. Autant de qualités qui ne furent jamais remises en cause par la suite malgré le jugement plus sévère sur l’impact réel de ses victoires.
Après une cérémonie à l’église de la Madeleine, le bailli de Suffren fut inhumé en l’église Sainte-Marie du Temple, très probablement sous une dalle toute simple. En 1793, sa tombe fut profanée et « ses restes encore très reconnaissables, sont jetés sur un tas d’ordures […]. Qu’est-il ensuite advenu de sa dépouille ? Plusieurs endroits reçurent les cadavres issus des profanations révolutionnaires. Allez savoir lequel précisément. Perdue dans un fonds des Archives nationales, la réponse existe peut-être.