Malgré le plaisir qu’il avait à fréquenter les salons grands-bourgeois et aristocratiques de son époque, où il retrouvait de grands noms de la littérature et des arts, et les succès qui le couronnaient, Marcel n’était pas satisfait. Il lui fallait une inépuisable félicité que seuls l’art et le travail pouvaient procurer à ses yeux.
La critique et le public ignorèrent son premier ouvrage, Les Plaisirs et les Jours (1896). De 1895 à 1905 environ, il s’attela à un grand ouvrage qui devait retracer l’histoire de son itinéraire spirituel qu’il n’acheva pas, insatisfait.
Il fallut attendre 1913 pour que soit publié Du côté de chez Swann premier volet de son premier chef-d’œuvre, A la recherche du temps perdu, commencé en 1907. À l'ombre des jeunes filles en fleurs (La Fugitive) (1919) qui obtint le prix Goncourt, Le Côté de Guermantes (1921/1922), Sodome et Gomorrhe (1921/1922), La Prisonnière (1923), Albertine disparue (1925) et Le Temps retrouvé (1927) viendront compléter cette œuvre magistrale dont les trois derniers tomes furent publiés à titre posthume. Une véritable comédie humaine à dimension psychologique et introspective mais qui analyse aussi, d'une manière souvent impitoyable, la société de son temps.
La mort de sa mère en 1905, l’avait plongé dans la solitude, l’affranchissement de tout lien familial et le détachement absolu. Seul le souci de son œuvre le soutint après la perte de « son seul but, sa seule douceur, son seul amour, sa seule consolation ». La vie, ses souffrances, ses amertumes, ses désillusions, puis l’expérience de la guerre –dont il fut, quoique éloigné du front par la maladie, si profondément bouleversé -, devaient donner à son travail une richesse, une intonation et des résonnances neuves. S’il est vrai qu’une grande vie est une pensée de jeunesse accomplie dans l’âge mûr, nulle existence n’aura plus que celle de Proust mérité cette épithète.
Victime d’un refroidissement en septembre 1922, il se fût sans doute rétabli s’il ne s’était surmené à la correction d’Albertine disparue. En dépit d’une fièvre épuisante, refusant de suivre les prescriptions de son médecin, il ne s’accorda aucun répit, souffrant de suffocation à cause de son asthme chronique hérité de son enfance. Conscient de sa mort prochaine et obsédé par la volonté de finir, il en avait des hallucinations comme cette « grosse femme noire » qu’il voyait rôder, la Mort.
Dunoyer de Segonzac, qui le vit sur son lit de mort, le peignit comme un sombre Christ espagnol.