Partant du principe que les fonctions de chef de contrebandier et de policier se ressemblaient, présenté à Napoléon , ce dernier lui conféra un grade dans l'armée et l'attacha à Savary, directeur de la police militaire. On peut imaginer que ses talents d’observateur l’avaient précédé. Napoléon qui aimait les caractères fins et rusés et les dévouements aveugles trouva ces qualités en Schulmeister qui fut, dès ce moment, le plus habile et le plus discret agent de sa police. Malheureusement, le secret requis pour ses nombreuses missions les couvre aussi d’inconnu et de méconnaissance rendant invérifiables l’exactitude de certains faits que sa légende nourrira.
Après la prise de Vienne (1805), Napoléon le nomma commissaire général de la police, et on lui doit cette justice, qu'il sut y maintenir la tranquillité et le bon ordre durant toute l'occupation malgré des effectifs très faibles. La peur qu’il inspirait aux habitants dut participer à ce calme. Cependant, il commit l'erreur de rester à Vienne alors que les troupes françaises le quittaient. Arrêté, libéré quatre mois plus tard, après la paix de Presbourg, il se retira dans son domaine de la Meinau, près de Strasbourg.
La campagne de Prusse le rappela bientôt à l'armée, et ce fut sans doute pour mieux observer et mieux agir qu'il reçut le commandement d'un petit corps d'avant-garde, formé d'une partie du 1er de hussards et du 7e de chasseurs à cheval.
Après la bataille de Waren (Müritz) (1806), où il assista, il reçut l'ordre de poursuivre le général Usedom, puis de s'emparer de Wismar ce qu’il fit avec seulement sept hommes en surprenant le poste qui gardait la porte et forçant à se rendre quinze officiers et quelques centaines de Prussiens qui formaient la garnison. Attaqué par un escadron de hussards, il parvient à les repousser. Le lendemain, Savary put marcher contre le corps d’Usedom qui se rendit presque sans combat.
Il prit Wismar, puis Rostock où il s’empara de dix-huit navires qui se trouvaient dans le port avec toujours un nombre limité d’hommes.
Sa double vie de commerçant et de contrebandier lui avait permis de développer un véritable art de la dissimulation : les Autrichiens n’auront jamais réussi à obtenir un signalement fiable de Schulmeister, ni à établir le lien entre l’espion et “Monsieur Charles“, commissaire impérial. Et c’est bien davantage sa ruse et sa séduction que sa valeur militaire qui lui valurent tant de succès incroyables et firent sa réputation.
Après la capitulation de Dantzig, il rejoignit la Grande Armée pour la seconde campagne de Pologne. Présent, toujours sous le commandement de Savary, aux batailles d'Heilsberg et de Friedland, où il fut blessé, il fut nommé commissaire général de Königsberg, fonction qu'il remplit jusqu'à la paix de Tilsitt (1807). Il continua à se distinguer dans plusieurs combats, et se vit confier, pour la seconde fois, la police de Vienne après sa reddition.
Retiré à Strasbourg, il continua cependant ses activités secrètes, par de fréquents voyages à l'étranger sous le couvert de ses affaires, et complota efficacement pour le retour de l'Empereur avant d’attirer l’attention sur lui par les puissances du Congrès de Vienne et d’être arrêté.
Libéré, il rentra à Paris et partagea désormais son temps entre la capitale, Strasbourg et la campagne, organisant des fêtes somptueuses dans son domaine du Piple, à Boissy-Saint-Léger jusqu'en 1819. Puis, définitivement strasbourgeois à part entière, ami des nécessiteux et mécène, sur ces vieux jours le redoutable espion affichait des allures de notaire de province.
La mort emporta avec lui une grande part de mystère.
Sa vie inspira la série télévisée Schulmeister, espion de l'empereur (1971-1974), avec Jacques Fabbri dans son rôle.
Charles Schulmeister fut inhumé au cimetière Saint-Urbain de Strasbourg où sa tombe souffrait indéniablement des affres du temps jusqu'à sa récente restauration.