C’est en 1903, au lycée Lakanal, qu’il rencontra Jacques Rivière, homme de lettres en devenir et son futur beau-frère, avec lequel il entretint une profonde amitié et une Correspondance d’autant plus féconde que les deux adolescents avaient des tempéraments très différents. Alain-Fournier n’avait pas le goût des idées, l’intelligence critique, la frénésie livresque de son ami. Néanmoins, tous deux se trouvèrent acquis au symbolisme même si Fournier préférait assouvir son goût du mystère chez d’autres auteurs que Rivière et qui influèrent ses poèmes réunis plus tard dans Miracles.
Une autre rencontre devait le marquer à vie : le 1er juin 1905, à l’occasion d’une exposition, il croisa une belle jeune fille, Yvonne de Quiévrecourt au chemin déjà tracé, avec laquelle il n’eut qu’une brève conversation insignifiante, n’ayant de ses nouvelles que de loin, et qu’il ne revit qu’une fois plusieurs années plus tard. Bouleversé, Yvonne devint soudain la figure vivante de son rêve à laquelle il ne cessa de songer, et qui devait lui inspirer Yvonne de Galais dans son unique chef-d’œuvre, Le Grand Meaulnes (1913), l’une des œuvres les plus délicates de cette génération qui avait respiré les effluves du symbolisme. Dans ce mariage de réalisme et de féerie, il chercha moins à bâtir une intrigue et des personnages qu’à créer un état d’âme.
Après son échec à l'oral de l'Ecole Normale (1907), il effectua son service militaire durant deux ans puis, engagé comme chroniqueur littéraire à Paris-Journal, il commença à publier quelques poèmes, essais, ou contes, qui connurent quelque succès.
Secrétaire de Claude Casimir-Perier, fils de l'ancien président Jean-Casimir Périer, il devint l’amant de sa femme, Pauline Benda, célèbre au théâtre sous le nom de Madame Simone, avec laquelle il eut une liaison passionnée.
Mais la Première Guerre mondiale éclata. Mobilisé le 2 août 1914, affecté à la 23e compagnie, il participa à plusieurs combats meurtriers autour de Verdun. Le 22 septembre, la 23e compagnie, qu’il commandait, reçut l'ordre d'effectuer une reconnaissance offensive sur les Hauts de Meuse, en direction de Dommartin-la-Montagne, à vingt-cinq kilomètres au sud-est de Verdun. Les témoignages sur les faits précis de sa disparition étant divergents, je me contenterai de dire que les hommes furent décimés par la mitraille ennemie à la lisière du bois de Saint-Remy. Alain-Fournier fut porté « disparu » au combat avant d’être déclaré officiellement « mort pour la France » en 1920.
Le lieu exact de sa sépulture demeura inconnu pendant plus de trois quarts de siècle. Dès 1977, Michel Algrain enquêta sur la localisation probable des derniers moments de l’écrivain. Son corps et ceux de ses vingt compagnons d'arme, furent découverts par Jean Louis, le 2 mai 1991, dans les bois près de Saint-Remy-la-Calonne où les Allemands les avaient inhumés dans une fosse commune sur le lieu du combat. Après des fouilles archéologiques méthodiques et un examen approfondi des squelettes en laboratoire, deux d’entre eux ne purent être identifiés.
Fauché en pleine jeunesse et en plein succès, Le Grand Meaulnes pouvait entrer dans la légende.