Bien que libre, propriétaire et alphabétisé, il n’en était pas moins soumis aux préjugés qui frappaient tous les hommes de couleur de cette colonie française considérée comme la plus florissante du monde grâce à sa production mais aussi confrontée à ses contradictions : en 1789, 88% de la population noire et esclave travaillaient pour 7% de propriétaires blancs.
En 1791, une révolte d’esclaves éclata à laquelle se joignit Toussaint en rassemblant ses troupes et en menant une guérilla qui révéla sa bravoure. Il réussit à ouvrir des brèches dans les rangs ennemis ce qui lui valut son nom de Louverture.
En 1793, désireux de briser la domination de la métropole, il s’allia aux espagnols contre les Français. Soucieux d’éviter la perte de cette riche colonie, les Commissaires de la République se résolurent à abolir l’esclavage le 29 août 1793, décision confirmée par la Convention en février 1794.
Général en chef depuis 1797, Toussaint mena alors une politique quasi autonome : négociation avec les anglais, renforcement de son armée, promulgation de toute une législation sur l’agriculture qui organisait le travail et la production sur les plantations. Il développa le catholicisme contre le culte vaudou et, dans un souci de réconciliation, invita les anciens colons blancs émigrés à reprendre possession de leurs habitation, réussit à conquérir la partie espagnole de l’île où il abolit l’esclavage. Sous son autorité, fut réalisée une vieille revendication coloniale : l’accession à l’autonomie de la colonie.
En juillet 1801, il proclama une constitution qui, entre autres, le nommait gouverneur général à vie.
Mais l’œuvre de Toussaint, notamment la prise de la partie espagnole de l’île, contrariait beaucoup les plans de Bonaparte. La proclamation de la Constitution était l’affront de trop. L’ancien esclave représentait un danger qu’il fallait éliminer. Le Premier Consul décida de l’envoi d’un corps expéditionnaire dirigé par Leclerc qui débarqua à Saint-Domingue, et simultanément dans tous les grands ports de l’île, en février 1802. Malgré sa supériorité numérique, Toussaint fut rapidement défait. Beaucoup de ses généraux noirs se rallièrent aux Français et lui-même fut contraint de capituler au début du mois de mai. Assigné en résidence surveillée mais soupçonné de préparer une nouvelle insurrection, en dépit des promesses faites en échange de sa reddition, Leclerc le fit déporter en métropole. Trop progressiste pour Bonaparte, trop réactionnaire aux yeux des cultivateurs, à l’exception de la nouvelle élite de militaires de couleur, grande bénéficiaire du nouvel ordre, le régime de Toussaint Louverture ne semblait satisfaire personne. Le 7 juin, ce fut donc dans une certaine indifférence qu’il quitta le doux climat de son île pour être emprisonné dans le glacial fort de Joux dans le Jura où il arriva le 23 août.