Ayant échoué à Centrale, réformé du service militaire, il vécut pendant dix ans de petits boulots successifs avant de, malade puis convalescent, prendre conscience de son besoin de changer de vie.
Monfreid allait définitivement basculer dans sa vie légendaire d’aventurier.
En 1911, il débarqua en Abyssinie. Pendant près de quarante ans, il parcourut les rivages de la mer Rouge et de la corne de l’Afrique. D’abord négociant en café et cuir, mais rapidement écœuré par le mode de vie colonial, il préféra se fondre aux indigènes en commençant par apprendre leur langue.
Cumulant d’incroyables et captivantes expériences, il décida de vivre en mer et construisit plusieurs boutres avec lesquels, contrebandier, il effectua le trafic d’armes, de hachisch et de perles dans une zone contrôlée par les anglais en pleine Première Guerre Mondiale.
A la fin de la guerre, il s’installa avec sa femme à Obock (République de Djibouti), loin des regards inquisiteurs des gouverneurs et autres coloniaux.
Sa rencontre avec Joseph Kessel, fasciné par le personnage, le poussa à publier ses écrits rassemblant ses journaux de bord, sa correspondance prolifique à ses proches, etc. Son premier ouvrage, Les secrets de la Mer Rouge (1931), et peut-être le plus célèbre, connut immédiatement un énorme succès. Egalement correspondant de presse pour plusieurs journaux parisiens, Monfreid devint alors l’un des grands écrivains-aventuriers du 20ème siècle avec environ soixante-quinze publications à son actif traduites en plus de douze langues.
Pour avoir soutenu les ambitions italiennes en Ethiopie lors de la Seconde Guerre Mondiale, il fut arrêté (1942) et déporté au Kenya par les Anglais. Libéré, il vécut de chasse et de pêche sur les pentes du Mont Kenya.
De retour en France en 1947, il s’installa à Ingrandes (Indre) où il peignait, jouait du piano et écrivait. Opiomane sans complexe, son mode de vie laissa perplexe plus d’un habitant de ce petit coin de France profonde.
En 1958, il connut sa dernière aventure entre la Réunion et Madagascar en compagnie de son fils.
Au-delà du mythe, ce marginal avait aussi sa part d’ombre. Tricheur et arnaqueur à ses heures, chef adoré de son équipage, mais mari et père peu attentionné, les procès et emprisonnements tinrent aussi une grande place dans sa vie, et pas la meilleure.
Entre hauts faits et méfaits Monfreid semble surtout se venger de la vie. Mais dans certains villages des plateaux abyssins, son nom arabe, Abd del Hai (l’esclave du vivant), est longtemps resté, et reste peut-être encore, une légende.
Henry de Monfreid mourut à Ingrandes, mais sa tombe se trouve dans sa terre natale. Il fut inhumé dans le charmant petit cimetière de Leucate.