Les Besnard ! Une famille où le sentiment de détestation primait sur tous les autres : le père et le fils se détestaient, et la fille, Lucie, qu’on retrouva un jour pendue, haïssait son frère Léon. Bien que détestée par son beau-père, Marie faisait preuve de soumission et demeurait d’humeur égale.
A ce climat familial délétère, propice aux rumeurs, se mêla la fatalité : du 22 août 1938 au 9 juillet 1945, dix morts se succédèrent, dont le père de Marie. Les Bernard, eux, furent décimés. Un couple d’amis disparut, les Rivet, lui, en 1939, et elle, en 1941, alors qu’elle venait de céder sa maison en viager aux Besnard et de faire de Marie sa légataire universelle.
Mais entre les âges très avancés pour l’époque des uns, les maladies avérées des autres, et un suicide, les causes naturelles de ces trépas ne furent pas mises en doute jusqu’à la mort de Léon, le 27 octobre 1947.
Après, en compagnie d’un ami, avoir ingéré un repas préparé par Marie, Léon expira malgré les soins des médecins à son chevet qui diagnostiquèrent une grave crise d’urémie.
Et quand, lors d’une épidémie de grippe, la vieille mère de Marie rejoignit la tombe en janvier 1949, l’atmosphère à Loudun devint irrespirable.
C’est à ce moment qu’entrèrent en scène deux accusateurs :
-Auguste Massip qui accusa Marie de sorcellerie ! N’avait-elle pas réussi à incendier son château situé à une centaine de kilomètres sans qu’elle ait quitté Loudun ? Bien évidemment, l’enquête prouva la responsabilité d’une imprudence due à une bougie, mais ne put éteindre la rumeur sur Marie la maléfique.
-Louise Pintou, la bonne amie de Léon qui, pour cacher son jeu s’était liée les bonnes grâces de Marie et s’était vu offrir, à titre gracieux, la location d’une maison par le couple. Maison vendue par la suite et qu’elle refusait de quitter au point de mettre en scène un cambriolage et un jet d’une bouteille de gaz dans son intérieur. La responsable ? Marie ! De toute façon, sur son lit de mort, Léon ne lui avait-il pas confié avoir vu sa femme verser quelque chose dans son potage ?
Malgré l’incohérence et l’absurdité abyssale des accusations, la rumeur aidant, on ouvrit une enquête, on exhuma Léon dont les prélèvements, effectués et envoyés dans des conditions déplorables, révélèrent de l’arsenic à un taux anormal. Le mot était lâché.
Arrêtée le 21 juillet 1949, Marie Besnard, accusée d’empoisonnement, allait faire face à un procès parmi les plus longs et les plus retentissants du 20ème siècle.
Pensez-donc ! Outre celui de Léon, aux dix corps déjà évoqués on en rajouta trois. Treize cadavres exhumés dont les analyses ne pouvaient, pensait-on, que mener la Besnard à la guillotine.
Après un premier procès en 1952, une contre-enquête de 1952 à 1954, un deuxième procès en 1954, et un troisième en 1961, et des batailles d’experts, les accusations lancées douze ans plus tôt par Louise Pintou étaient enfin démontées point par point : « Je considère que cette dame est innocente » dit-elle.
Quant à l’arsenic retrouvé dans les analyses des autopsies, plusieurs expertises conclurent au fait que la terre du cimetière en était saturée. La pugnacité de ses avocats avait payé. Le dépérissement des preuves et la lassitude du public aussi, et le mobile des crimes, l’argent, s’avérait infondé.
Acquittée au bénéfice du doute, et non reconnue innocente, Marie, que la psychiatrie décrivait comme
« anormalement normale », déclara : « On ne pouvait rien me faire, puisque je n’avais rien fait ». Limpide !