Pour l’heure, un premier tour du monde qui permit à l’aspirant Julien Viaud de trouver la matière à des reportages, notamment sur l’île de Pâques, envoyés sous forme d’articles à sa sœur qui les fit paraître dans L’Illustration. Les textes et dessins issus de ses voyages furent la base de son journal, qu’il tint de 1866 à 1918, dans lequel il puisa toute son œuvre.
Sa véritable entrée en littérature se fit de la même façon. Après avoir lu à ses amis le journal de son séjour à Constantinople (1876-1877), où il fut surtout occupé par son idylle avec une jeune Circassienne, ceux-ci lui suggérèrent de transformer ces pages en roman : ce fut Aziyadé (1879) qui passa inaperçu mais, un an plus tard, le triomphe fut immédiat et retentissant pour Le Mariage de Loti, par l’auteur d’Aziyadé, tiré du journal de son séjour à Tahiti d’où il avait aussi rapporté son pseudonyme de « Loti », nom de la rose en tahitien que lui avaient donné les suivantes de la reine Pomaré. Le Roman d’un spahi (1881) fut le premier livre qu’il signa « Pierre Loti ». D’autres suivirent avec des cadres différents en exploitant un exotisme régional, comme la Bretagne : Mon frère Yves (1883) ; Pêcheur d’Islande (1886), son plus gros succès, et Matelot (1892), ou le Pays Basque : Ramuntcho (1897).
Le Japon lui inspira Madame Chrysanthème (1887) ; La Troisième jeunesse de Madame Prune (1905).
La Turquie, encore, avec Fantôme d’Orient (1892), parfois considéré comme son chef-d’œuvre, récit des trois jours qu’il passa fébrilement à rechercher les traces d’Aziyadé et d’Achmet ; Les Désenchantés (1906). Et d’autres ouvrages moins populaires dont beaucoup s’accordent, cependant, pour y voir le meilleur de l’écrivain.
Autant de romans et de fragments plus ou moins réécrits de son journal qui connurent un succès qui ne se démentit jamais auprès d’un public fidèle. Auteur comblé dès sa trentième année, il devint le benjamin de l’Académie française où il fut élu en 1891.
Romancier, voyageur, pèlerin, obsédé à la fois par la mort omniprésente, le temps qui détruit tout, et, charnellement enchanté par la vie, la richesse et la beauté du monde réel, il ne cessa de chercher une foi dont il avait l’absolu besoin pour vivre mais qui ne vint jamais réellement l’habiter. Entre imposture et authenticité, le « romantisme » si particulier de Loti ne pouvait que détonner dans la mélancolie complaisante de l’esprit de la fin du 19ème siècle.
Pierre Loti mourut à Hendaye où il avait fondé une famille illégitime avec sa maîtresse, Juana Josefa Cruz Gainza.
En 1899, il avait acheté une vieille maison familiale à Saint-Pierre d’Oléron qu'il baptisa « la maison des aïeules ». Evoquée dans plusieurs de ses œuvres, elle renfermait de ses souvenirs d’enfance. Le 16 juin, après des funérailles nationales à Rochefort, dans le respect de ses volontés, il y fut inhumé dans le jardin. Ayant précisé par testament qu’il ne voulait pas que sa tombe soit visitée, son accès en est rigoureusement interdit ce qui explique que l’on doive se contenter de vieux clichés pour son illustration, à savoir une petite stèle gravée de son nom qu’il avait fait poser de son vivant.