A ceux qui lui reprochaient le montant de son indemnité parlementaire en disant : « A bas les 25 francs ! », il répondit : « Vous allez voir, messieurs, comme on meurt pour 25 francs ! ». Une colonne de soldats s’était postée devant les insurgés, des coups de feu furent tirés. Baudin, debout sur une barricade, fut mortellement touché à la tête. Une demi-heure plus tard, il était mort et fut porté à l’hôpital Sainte-Marguerite. Désireuse de récupérer sa dépouille, sa famille fut contrainte d'accepter le chantage de l'empire, les funérailles se firent en cachette au cimetière de Montmartre.
Son corps était encore chaud quand, dans chaque camp, l'on commença à se disputer sur la façon d'évoquer sa mort. Du côté de l'opposition, Baudin étant tombé en « martyr de la liberté » , il fallait donc écrire un martyrologe, ce dont Victor Hugo se chargea dans son récit du coup d'Etat, publié seulement en 1877 sous le titre Histoire d'un crime. Dans le camp adverse, le cadavre du député était en revanche beaucoup plus encombrant : une relégation du malheureux dans les oubliettes de l'histoire serait la bienvenue. Pour les républicains, une telle omerta étant intolérable, ils transposèrent leur lutte sur le terrain des symboles, et notamment sur la scène mémorielle. La sépulture de Baudin devint un espace politique où la gauche venait compter ses troupes et la police montrer sa force.
En 1868, des dizaines de journaux républicains lancèrent une souscription afin d'ériger un monument à la gloire de Baudin. Ils furent poursuivis et des procès eurent lieu partout en France.
Il fallut attendre 1872, deux ans après la chute de l'Empire, pour que le monument soit enfin érigé. Œuvre du sculpteur Aimé Millet (1819-1891), la posture du gisant en bronze évoque une mort violente. La tête penchée vers l'arrière, les cheveux en bataille et la bouche à demi ouverte, le défunt tient dans ses doigts frêles un recueil de lois qui semble sur le point de lui échapper. Sur la face du monument est gravée cette inscription : « A Alphonse Baudin, représentant du peuple, mort en défendant le droit et la loi, le 3 décembre 1851. »