Mais en 1771, un événement fit basculer sa vie : à la Foire de Saint Ovide (Paris), il assista à un spectacle de jeunes aveugles qui, affublés de costumes ridicules, étaient sommés de jouer de la musique et de franchir des obstacles, le tout sous les rires du public. Profondément choqué, il décida d’agir pour l’inclusion sociale et culturelle des personnes aveugles ou malvoyantes en leur rendant leur dignité. Il allait leur apprendre à lire et à écrire.
Ayant observé la grande sensibilité au toucher de certains aveugles, il en conclut qu’il était possible de reconnaître tactilement les caractères d’imprimerie en relief. Il fit donc fabriquer un alphabet avec des lettres de taille supérieure et s’en servit pour gaufrer des feuilles de papier cartonné. Il testa d’abord ce procédé auprès d’un jeune mendiant aveugle, François Lesueur, dont l’éducation lui avait été confiée par la Société Philanthropique créée depuis peu. Très rapidement, celui-ci apprit à lire, à composer des phrases et à maîtriser l’orthographe.
Fort de son procédé innovant, Haüy fonda l’Institution des Enfants Aveugles en 1785, la première école gratuite accueillant des enfants souffrant de ce handicap. Financée par la Société Philanthropique jusqu’en 1791, nationalisée, elle devint ensuite l'INJA (Institution Nationale des Jeunes Aveugles) dont la finalité était à la fois d’instruire les élèves et de leur apprendre un travail manuel. Grâce à sa méthode ingénieuse, ses jeunes élèves acquirent des rudiments d’orthographe et de calcul.
Mais cette heure de gloire ne dura pas. En 1802, Haüy fut contraint de démissionner de la direction de l’établissement qui, entretemps, avait été rattaché à l’hospice des Quinze-Vingts.Il fonda une école privée, avant de partir en Russie pour y monter la première école pour enfants aveugles du pays, qu’il dirigea pendant onze ans. Rentré à Paris, un grand hommage lui fut rendu au sein de l’Institution qu’il avait créée.
Valentin Haüy mourut l'année suivante au terme de plus de trente années entièrement consacrées à la cause des personnes aveugles et malvoyantes. Après ses obsèques en l’église Saint-Médard, où des aveugles, ses élèves, exécutèrent une messe de Requiem composée par l’un d’eux, il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Moins de trois mois plus tard, son frère aîné, l’abbé René Just Haüy (1843-1822), fondateur de la cristallographie géométrique et de la gemmologie, le rejoignait dans la tombe.