Après l’enfer des arrière-cuisines, ce fut le paradis de la gloire. Carême appartenait à ces rares élus qui possèdent l’intelligence de la matière et savent parler aux ingrédients.
Au service des plus grands, il en devint aussi l’ami. Parmi eux, Talleyrand lui vouait une admiration sincère et le considérait comme un de ses pairs. Antonin, star des fourneaux, porta à son paroxysme le luxe à la table du tsar, du roi d’Angleterre, de l’empereur d’Autriche, et de biens d’autres avant de se fixer à Paris.
A la Restauration, Louis XVIII lui pardonna son service à l’Empire et l’autorisa à s’appeler Carême de Paris. Toujours très jaloux de son indépendance, Antonin continua à innover avec un génie absolu et une sensualité sans pareille. Il fut l'un des premiers cuisiniers à acquérir une renommée internationale.
Prônant le plaisir sans la culpabilité, il pensait que de deux bons repas valaient mieux que quatre médiocres et, s’il optait pour la simplicité du résultat, il refusait la modicité des ingrédients. Cependant, s'il estimait que la cuisine devait être décorative, il professait également qu'elle devait s'accorder avec l'hygiène et fut capable d'établir des régimes diététiques.
On lui doit la création de la toque en 1821, qui remplaça le bonnet de coton des cuisiniers, lors de son séjour à Vienne au service de lord Charles Stewart.
Outre l'élaboration de nouvelles sauces, il en publia une classification en quatre groupes de base : l’allemande, la béchamel, l’espagnole et le velouté. Il serait également à l'origine du remplacement de la pratique du très compliqué service à la française (présentation de tous les plats en même temps), par le service à la Russe, plus facile et moins cher, qui consistait à présenter les plats au fur et à mesure et les viandes ou volailles déjà découpées. Le service à la Russe, déjà commencé en 1810, se développa après la mort de Carême. Néanmoins, une tradition de la cuisine spectacle perdura dans les foyers français: le découpage, à table, de la volaille par le maître de maison…
Sa santé s'était épuisée par l'effort incessant qu'il fournissait depuis trente ans. Il tomba gravement malade et dut s'aliter préoccupé de laisser inachevés des travaux qu'il regardait comme essentiels pour son art. Il employa ses derniers instants à dicter des notes à sa fille.
Carême mourut à quarante-huit ans à Paris. On pense que les grandes quantités de fumées toxiques, dues au charbon de bois, qu’il inhala toute sa vie furent la cause de sa mort prématurée.
Sa tombe, au cimetière de Montmartre, où le rejoignit sa femme (1792-1840), est à ce jour très bien entretenue.