Artiste dont le timbre et la diction étaient extraordinaires, homme d’esprit dont les bons mots envahissent les dictionnaires de citations, son style souvent léger ne fut jamais superficiel et resta ancré dans la réalité. Il voulait saisir la vie dans ce qu’elle a de capricieux, pétulant, fugace et aléatoire. A ce titre, il est une référence incontournable.
Boudant le cinéma auquel il reprochait de ne pas avoir la même puissance que le théâtre, il franchit néanmoins et vraiment le pas en 1935 avec Pasteur, biographie du savant. Et il suffit de voir Le Roman d’un tricheur (à l’origine une de ses pièces) pour constater qu’il était bien l’un des grands réalisateurs de son époque. Elégance, désinvolture, maîtrise et innovation sont autant de ses qualités que l’on retrouve jusque dans ses génériques.
Passionné d’histoire, il inventa aussi les grandes revues historiques qui font défiler des personnages illustres : Remontons les Champs-Elysées (1938), Le destin fabuleux de Désiré Clary (1941), etc.
A l’apogée de sa carrière pendant la seconde Guerre mondiale, il fut arrêté à la Libération de Paris par un groupe de résistants qui lui reprochait son attitude ambigüe à l'égard de l'occupant allemand. Incarcéré pendant deux mois sans inculpation, les accusations de ses détracteurs ne pouvant être prouvées, son dossier fut classé suivi d’un non lieu-lieu (1947). Cette mésaventure lui fit dire : « La Libération ? Je peux dire que j'en ai été le premier prévenu. » Il se justifia par la suite dans Le Diable boiteux (1948), magnifique portrait de Talleyrand.
Après une disgrâce momentanée, grâce au soutien de ses amis, il devint finalement le cinéaste officiel de la IVe République avec de grosses machines comme : Si Versailles m’était conté, Napoléon et Si Paris m’était conté avec toujours de fastueuses distributions servant toujours, et encore, son esprit et son ironie à défaut d’exactitude historique. Mais on peut aussi leur préférer quelques éblouissantes pochades : La Poison, Adhémar, etc.
Est-ce par jalousie, il fut souvent l’objet de médisances et entretint des relations difficiles avec la critique. Mais alors que Nouvelle Vague fut d’une virulence inouïe avec des réalisateurs du passé, elle réhabilita Guitry, véritable « auteur complet » à ses yeux.
Quand l’éternel et génial cabotin tira sa révérence, comme une ultime représentation, son public, une foule immense, se pressa sur les trottoirs et se bouscula au cimetière de Montmartre pour lui rendre un ultime hommage.
Avec lui reposent :