Mais Jeanne fut brûlée et Charles VII, poussé par une logique politique maintenant différente, sans toutefois l’accabler de la disgrâce de La Trémoille, maintint Gilles éloigné. Et Gilles désabusé retrouva ses anciens travers : la perversité.
Il y sombra d’autant plus aisément qu’en dehors de sa nature, le train de vie particulièrement fastueux qu’il menait dilapida rapidement son immense fortune. Pour se renflouer, il se fit alchimiste et invoqua les démons. Soutenu dans sa recherche par un nécromancien qui lui affirmait que Satan lui fournirait tout l’or qu’il voudrait à condition de « donner offrande, main, cœur, œil et sang prélevés sur de jeunes et beaux enfants », le noble et valeureux guerrier se métamorphosa en monstre. Viols sodomites, égorgements, évocations démoniaques et oblations sanglantes devinrent le pain nourricier de cet esprit des ténèbres, de ce monstre épris d’esthétisme et prodigue mais insane et sanguinaire, dont Charles Perrault fit son terrible « Barbe Bleue ».
Soupçonné depuis un moment, mais un peu trop confiant, Gilles fut arrêté le 15 septembre 1440.
De la plus virulente négation des crimes dont on l’accusait : sodomie, sorcellerie et assassinat, qui lui valut son excommunication, il passa aux aveux les plus complets en implorant sincèrement la Miséricorde de Dieu.
Son excommunication levée, il obtint le droit de recevoir une sépulture chrétienne là où il souhaitait être inhumé : en l’église du monastère Notre-Dame des Carmes de Nantes. De même, on lui accorda une procession générale pour son salut et celui de ses deux serviteurs et complices, Henriet et Poitou, condamnés à mourir pareillement.