RETOUR PERSONNALITÉS LIÉES A L’INDUSTRIE
Les murs tapissés d'extraits d'une oeuvre de Mme Menier © MCP
4 janvier 2016
MENIER Jean-Antoine Brutus (1795 – 19 décembre 1853)
Cimetière du Père-Lachaise, 36ème division (Paris)
Dynastie au service du chocolat, l’aventure de la famille Menier commença avec Jean-Antoine Brutus qui, pharmacien, se lança d’abord dans la fabrication et la vente de produits pharmaceutiques. Entre ses idées innovatrices et la dot de sa femme, un bel horizon commercial lui était ouvert dans lequel il s’engouffra, avec succès, en achetant, en 1839, le moulin de Noisiel qui devint le fief de l’industrie familiale.
 
Mais quel est le lien entre la pharmacie, un moulin et le chocolat ?
Pharmacien génial, Jean-Antoine avait inventé un système de meule pour la pulvérisation des drogues que l’énergie hydraulique, créée par le moulin, permit de développer à grande échelle. Et ce fut ce même traitement qu’il appliqua au cacao pour le réduire en poudre. C’est qu’à cette époque, le chocolat n'était encore qu'un produit pharmaceutique considéré comme un remède à de nombreux maux. Quant à la poudre, elle était utilisée dans la composition de pommades, cosmétiques, etc.
 
Le chocolat ne devint une denrée alimentaire qu’au début des années 1830, avant de se développer et de se démocratiser.
En 1836, Menier créa sa première tablette de chocolat ménager signée de son nom. Cette signature, qui l’engageait vis-à-vis du public fut, plus tard, une garantie contre les contrefaçons. Grâce à l’uniformité, l’hygiène et la sécurité que lui permettaient ses machines, la tablette « Fin Santé papier jaune », recommandée pour sa richesse en cacao et la finesse de son broyage, connut un immense succès. Parfaite pour croquer ou pour cuire, et à un prix compétitif, elle devint l’emblème du chocolat Menier.
© MCP
Le nom de Jean Antoine Brutus Menier apparait enfin...© MCP
►Emile Justin Menier (1826 – 17 février 1881)
Cimetière du Père-Lachaise, 67ème division (Paris)
Doté des diplômes et brevets impératifs pour exercer le commerce de produits chimiques et développer l’industrie familiale, la pharmacie n’était pourtant plus sa priorité absolue.
Les bonnes vieilles affaires qui avaient fait le succès de son père s’essoufflant, il préféra investir dans des secteurs d’avenir tel le caoutchouc et la gutta-percha. A Grenelle, il fit construire une usine de câbles électriques sous-terrains et sous-marins qui, en 1867, était la plus importante de France que la maison Menier allait installer.
S’intéressant au droit et l’économie, son regard se porta vers l’étranger, notamment  vers l’Amérique centrale où il investit dans des plantations de cacaoyers ce qui lui assura  l’autonomie de la matière première qu’il acheminait lui-même grâce à sa flotte de navires marchands.  
L’idée se révéla d’autant plus excellente que le secteur, en plein essor, exigeait de plus en plus de fèves et que, dans le même temps, il avait lancé une remarquable modernisation de l’usine de Noisiel. Le passage au libre-échange (1860) lui permit de réduire le prix à la vente de ses chocolats et de justifier sa réussite au nom de la démocratisation des biens de consommation.
Mais il ne se contenta pas de cette réputation de grand industriel. Le patronat de la seconde industrialisation naissante avait besoin de justifier son nouveau rôle social. Dans cette logique de « patron modèle » érigée en profession de foi, cet anticlérical et républicain convaincu, progressiste et adapte des sciences sociales et techniques, créa à Noisiel une cité ouvrière et ouvrit, avant la loi Ferry, une école laïque, gratuite et obligatoire pour les enfants des ouvriers de son usine.
 
Puis, s’investissant dans la vie politique, il y fit irruption en se situant clairement à gauche de l’échiquier, en défendant les libertés publiques, la laïcité et l’amnistie des communards. Un chocolatier, industriel richissime qui prétendait parler au nom de tous les travailleurs, voilà qui provoqua une violente opposition de la part de tous les conservateurs. « Le baron cacao » en politique, alors qu’il n’était même pas du sérail !
Néanmoins, maire de Noisiel (1873) et député (1876), il conserva ces mandats jusqu'à sa mort intervenue de façon prématurée.
 
Ses fils Henri, Albert et Gaston lui succédèrent en continuant à innover et à communiquer. A Poulain…le poulain, et à Meunier une fillette prodiguant une leçon de morale en vantant la marque dont elle devint l’emblème.
Mais au début du 20ème siècle, Menier dut faire face à la concurrence, notamment suisse. La riposte vint trop tard. En perte de vitesse, les années 1930 marquèrent le début du déclin de l’entreprise. Les grèves, puis les dommages dus à l’occupation des établissements par les troupes allemandes ne permirent pas le regain d’activité. En 1965, la société Menier fut rachetée dans sa totalité par le groupe Ufico-Perrier, elle-même reprise par Neslé en 1988.
 
Après avoir transité par la sépulture de son père, Emile Justin fut inhumé dans la concession qui, plusieurs fois agrandie par dérogations successives, s’orna,  en 1887, de  la chapelle actuelle sur  les dessins de l’architecte Henri Parent.
L’entrée de la chapelle est encadrée par, à gauche, la figure du Commerce tenant un livre dans la main gauche, sur lequel on lit : Travail, pendant que la main droite tient des règles, une plume, etc. ; à droite, l'Industrie, tient d'une main une palme et une couronne de lierre, et de l'autre un parchemin demi-déroulé où sont gravés les mots : " Bienfaisance, instruction. " Les petits génies du fronton et le buste d’Emile  Justin sont l’œuvre François Gilbert.
© MCP
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Sources principales :
- Émile-Justin Menier, un chocolatier en République Les controverses sur la légitimité de la compétence politique d’un industriel dans la France des années 1870 par Nicolas Delalande
- Archives départementales de Seine-et-Marne : les Menier et la chocolaterie de Noisiel
- La vie des marques : http://www.prodimarques.com/sagas_marques/menier/menier.php
(*) commentaire(s)
Présente à l’Exposition universelle de Londres (1851), à celle de New York (1853), la maison Menier engrangea les récompenses, ouvrit une boutique à Paris et joua un rôle de premier plan dans le développement de l’industrie chocolatière.
 
Victime d'une première atatque de paralysie en 1852,  Menier mourut à la fin de l'année suivante. Il laissait une entreprise en plein essor que son fils, Emile Justin, transforma en empire.
 
Jean-Antoine Brutus ne fut pas inhumé dans l’imposante chapelle familiale de la 67ème division, mais dans une autre située dans la 36ème division.
Bien loin du faste architectural affiché par la sépulture la plus connue, la tombe du fondateur  de la fortune Menier présente, elle, bien mauvaise mine.  
Sur son fronton, on peut lire « A la mémoire de Jean Antoine Brutus Menier » ce qui pourrait laisser supposer qu’il repose ailleurs. Pourtant, il est bien là.
En fait, l’ensemble de la chapelle est tapissé d’extraits d’une œuvre de sa femme, Marie Edmée Virginie Menier, Heures de loisirs, fables, contes et pensées (1862). Les noms des résidents du lieu sont inscrits en dessous de certains de ces extraits.
Bien que très difficile à prendre en photo, car en « angle mort », le nom de Menier père apparait  néanmoins en bonne partie.
 
Avec lui reposent sa femme, Marie Edmée Virginie Pichon (1796-1879);  sa fille aînée Virginie Honorine Menier, et sa mère Renée Catherine Vernet.
© MCP
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par Marie-Christine Pénin
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