Profondément enraciné dans son époque, nourri de l’histoire des îles britanniques telles que la relataient alors les historiens, et de l’Antiquité telle que l’on se l’imaginait, le théâtre de Shakespeare appartient pourtant à l’univers entier et à tous les temps. Brassant genres et modes sans servir le goût de l’époque, Shakespeare créa et mit en scène des êtres de chair et de langage et résuma en eux la condition humaine. Il a fait du monde un théâtre, et du théâtre un monde.
Et c’est l’une des gloires de Shakespeare d’avoir réussi à incorporer comme il l’a fait le comique et le grotesque à la vie même, dont il cherchait à rendre l’essence.
Thème de l’identité : La Mégère apprivoisée (1693) ; de l’amour et du caprice : Roméo et Juliette (1595 ?), Songe d’une nuit d’été (1595 ?) ; de l’égotisme et de la royauté : Richard III, Henry IV, Henry V ; des illusions de l’ambigüité : Le Marchand de Venise (v. 1596) , Beaucoup de bruit pour rien (1598 ?) ; des figures et mythes : Jules César (1600 ?), Hamlet (1601 ?), Othello ; des quiproquos et des malentendus : Tout est bien qui finit bien (1602 ?) , Mesure pour mesure (1603), sans oublier l’au-delà de l’être humain : Le Roi Lear (1605), Macbeth (1606).
En vingt-trois ans d’activité fiévreuse, outre les Sonnets et poèmes lyriques ou narratifs, il produisit trente-huit pièces de théâtre. Cette densité fut telle que certains se demandent encore s’il est bien l’auteur de toutes les œuvres qu’il signa. Pour mémoire, la question se pose aussi pour Molière que des spécialistes pensent avoir usurpé des écrits de Pierre Corneille qui collabora étroitement avec lui. D'autre part, la datation de certaines des pièces de Shakespeare est difficilement possible avec exactitude.
Entre drame et comédie, qu’il fut l’un des rares à manier avec un égal talent, son langage reste d’une fantastique audace de portée.
Figure éminente de la culture occidentale, Shakespeare continue d’influencer les artistes d’aujourd’hui. Après Agatha Christie et Jules Verne, il vient au troisième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère.
Il décida de se retirer vers 1611 et serait mort d'une fièvre le jour même de son 52ème anniversaire si sa date de naissance présumée du 23 avril s’avérait exacte. Il reçut le droit d’être inhumé dans le chœur de l’église, non en raison de sa réputation de dramaturge, mais parce qu’il était devenu sociétaire de l’église en payant la dîme de la paroisse de Stratford-upon-Avon où il demeurait.
Peu après sa mort, on songea à transférer sa dépouille dans le « coin des poètes » de l’abbaye de Westminster où lui fut érigé une statue en 1740/1741.
Est-ce la crainte de voir ses cendres déplacées qui lui aurait inspiré son épitaphe dont on le suppose être l’auteur ?
« Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
De creuser la poussière déposée sur moi.
Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
Mais maudit soit celui violant mon ossuaire »
A ses côtés repose sa femme, Anne Hathaway (1555/56 – 1623)