Mariée en 1496 à Philippe, archiduc d’Autriche, petit-fils de Charles le Téméraire, cette alliance voulue contre la France se transforma pour Jeanne en véritable histoire d’amour tant elle fut subjuguée par la beauté de son époux au point d'oublier ses propres responsabilités. D’ailleurs, elle n’avait jamais manifesté le moindre intérêt pour les affaires d’Etat. Intelligente, éduquée et de grande sensibilité, mais d’une jalousie maladive, après quatre années de bonheur conjugal, Philippe la délaissa et lui fut infidèle. Tenaillée par sa jalousie, elle eut des paroxysmes de rage, pendant lesquels elle fut coupable d'actes de violence grave.
Les signes avant-coureurs de sa démence laissent encore les historiens et les psychiatres perplexes. Son père n’aurait-il pas profité d’une fragilité manifeste pour l’écarter progressivement du pouvoir ? Mais les nobles qui ne l'aimaient pas et le craignaient, l'obligèrent à y renoncer au profit de son gendre qui, hors d’Espagne fut obligé d’y revenir pour être roi, ce pour quoi il n’avait, par ailleurs, aucune compétence. Le torchon brûla si fort entre Ferdinand et Philippe, qu’on en serait probablement arrivé à une guerre civile si Philippe n’était pas mort brutalement à Burgos. Le dernier duc de Bourgogne venait de disparaître.
"Aucun de ceux qui l’ont vue n’oubliera le déchaînement de douleur de la reine. Saisie d’un désespoir sans nom, Jeanne a résisté avec rage à ceux qui voulaient la séparer de ce beau corps qui, dix courtes années, avait été son unique souci. Elle l’a dévotement entouré d’un cadre funèbre, et elle le promène à travers la Castille, ne roulant que la nuit, ne s’arrêtant qu’à l’aube dans des villages frappés de stupeur, puis, le cadavre exposé, s’enfermant dans quelques lieux clos, en disant qu’une épouse qui a perdu son mari, soleil de sa vie, ne doit plus voir la lumière du jour".