Une vraie gifle pour le régime. Pour épargner à sa famille, il renonça à sa récompense.
Fils d’un peintre reconnu, Leonid Pasternak, et d’une pianiste, élevé dans un milieu artistique, après avoir renoncé à la musique, Boris s’orienta vers la poésie. Déjà dans les années 1930, lui et les siens avaient réchappé au goulag. La cause de cette menace ? Ses écrits parlaient du passé et non du présent, son style était poétique et non socialiste. Il courba l’échine ce qui valut à cet immense poète d’être souvent regardé comme un lâche.
Plus tendre que révolté, il ne dut longtemps sa survie qu’à des traductions de poètes étrangers qu’on lui autorisait. Écartelé entre son opposition profonde à l’idéologie révolutionnaire marxiste, et viscéralement attaché à sa mère patrie, il louvoyait et dissimulait sa nature, équilibriste entre sa chère Russie et le bolchevisme. Il ne remit jamais en cause le choix fait en 1917 de la soumission au nouvel ordre soviétique. Lâche ou plutôt fataliste, il laissa couler le temps des bourreaux qui passent.
Découragé, sa rencontre, en 1946, avec Olga Ivinskaïa et leur liaison amoureuse passionnée allaient lui redonner l’envie et la force d’écrire le roman dont il rêvait, Le Docteur Jovago, où il immortalisa Olga dans le célébrissime personnage de Lara. Mais la nouvelle de sa liaison et de son livre se répandirent. Si Pasternak, protégé par Staline, était intouchable, Olga ne l’était pas. Arrêtée en 1949, elle fut expédiée dans un camp. Enceinte, elle perdit son enfant. Désespéré, tout en s’occupant de sa famille officielle, Boris lui adressait colis sur colis. La mort de Staline (1953) la libéra de son enfer où elle devait retourner.
Deux ans après avoir été lauréat du prix Nobel, l’écrivain mourait d’un cancer, et aussi de chagrin, dans sa datcha de Peredelkino près de Moscou, village des écrivains officiels, où il fut inhumé le 2 juin 1960, accompagné d’une centaine de personnes qui bravèrent le régime et la pluie battante.
Il ignora le sort dramatique qui attendait Olga, comme il ne put jamais savoir que Le docteur Jivago serait porté à l’écran en 1965 et serait un jour publié en Russie à la faveur de la perestroïka en…1985.
De même, comment aurait-il pu imaginer qu’en 1988, pendant que Peredelkino était déclaré zone historique et culturelle, au nom de sa réhabilitation, sa datcha serait transformée en musée comme celle de Korneï Tchoukovski (1882 – 1969). Depuis, le village est devenu une destination très appréciée des nouveaux riches issus de la perestroïka.
Ainsi va le monde...