Né dans une famille de canuts (ouvriers tisserands en soierie) à une époque où le métier rencontrait les pires difficultés pour nourrir les siens, Laurent, victime comme tant d’autres de la violence révolutionnaire qui s’abattit sur Lyon, abandonna le tissage pour exercer d’autres gagne-pains dont celui d’arracheurs de dents (1798). Comme il était de coutume chez les colporteurs, il attirait le client par une animation notamment un spectacle de marionnettes inspiré du théâtre italien.
Plus intéressé par le théâtre que par l’art dentaire, la révélation vint en 1804 à l’occasion d’un pique-nique bien arrosé. Un marionnettiste italien, Signor Flavio, lui emprunta ses marionnettes qu’il fit vivre en racontant des histoires drôles. Laurent admirait celui qu’on appelait Jean, ou Chignol parce qu’il venait de la ville de Chignolo.
Exit la tenaille pour se consacrer exclusivement à ses poupées animées. Il s’installa dans un castelet rudimentaire où il improvisait une partie du spectacle à partir de l’actualité et le reste à partir de thèmes de la Commedia de l’Arte. Avec Polichinelle, l’esprit frondeur et satirique de Guignol était né bien avant la création du personnage lui-même.
S’inspirant de son adjoint et complice, Lambert Grégoire Ladré, dit le père Thomas, comédien, amuseur public, expert en calembours et railleries à la voix de stentor, Laurent créa son premier personnage : Gnafron (du lyonnais gnafre : cordonnier ) plein de faconde, de gaîté et de truculence dont le nez rouge boursouflé témoignait de l’ amour immodéré pour le Beaujolais de sa « muse ».