En 1866, il apporta sa contribution au Parnasse contemporain et publia son premier recueil, les poèmes saturniens, dans lesquels, en dépit d’une profession de foi parnassienne, des tendances tout à fait personnelles se révélaient: sensibilité inquiète, sensualité et musicalité suggestive.
Car s’il se déclarait saturnien, né sous une « influence maligne », ayant « Bonne part de malheur et de bile », ce n’était par jeu. Peut-être pour échapper à une tristesse anxieuse, il s’était mis à boire.
A la lecture des Fêtes galantes (1869), sous le couvert d’une comédie légère on ne sait s’il cherche à se fuir ou à se retrouver.
Cette même année 1869, sa rencontre avec Mathilde Mauté de Fleurville (1853-1914), jeune fille douce et charmeuse qu’il épousa l’année suivante, sembla l’incliner à vouloir vaincre ses démons. La perte de son emploi et surtout sa rencontre avec Arthur Rimbaud, en 1871, battirent en brèche ses bonnes résolutions. Il abandonna sa femme pour vivre une existence vagabonde avec son nouvel amour jusqu’à ce jour de juillet 1873 où, très alcoolisé, il lui tira dessus le blessant légèrement. Condamné à deux ans de prison, il effectua sa peine d’abord à la prison de Bruxelles puis à Mons. Depuis de longs mois déjà, Verlaine se tournait vers Dieu. Ses sincères regrets vis-à-vis de Mathilde, qui demandait une séparation, et son aspiration à une vie meilleure, simple et tranquille conformément à son idéal chrétien, finirent de le convertir et lui inspirèrent les poèmes mystiques qui furent publiés dans Sagesse (1881). Ce recueil jouira d’une grande renommée et d’un respect incontestés parmi les symbolistes et décadents de la première heure.
Après sa libération, pendant quelques années, il réussit à lutter contre ses anciens vices avant de s’y replonger de plus belle, faisant là encore preuve de violence notamment en frappant sa mère qui ne l’avait jamais abandonné.La mort de cette dernière, en 1886, accentua alors la précarité de son existence.
De garni en garni, d’hôpital en hôpital, de café en café, en proie à des alternances de mysticisme et de lubricité, il fit paraître Amour et Parallèlement qui reflètaient cette déconcertante dualité.
Et puis, on se souvint soudain que cet homme, qui traînait la jambe, était ou avait été un grand poète qui avait aussi révélé au grand public l’œuvre d’auteurs comme Rimbaud et Mallarmé. Réclamé pour des conférences, des souvenirs (Mémoires d’un veuf, Mes Hôpitaux, Confessions, etc.), le voilà auréolé du titre de « prince des poètes » à la mort de Leconte de Lisle et d’une légende naissante. Sans s’enrichir, ces tournées de conférences lui permirent de vivre un temps décemment.
Mais sa santé, déjà ébranlée, rongée par la misère et l’alcoolisme déclinait de jour en jour. Hébergé chez une amie, Eugénie Kranz, on le retrouva mort sur le carreau de sa misérable chambrette.
Après de belles funérailles en l’église Saint-Etienne-du-Mont, une foule considérable composée de l’élite des lettres et des arts, d’admirateurs et d’étudiants accompagna son cercueil jusqu’au au cimetière des Batignolles où il fut inhumé avec ses parents et où le rejoignit son fils, Georges (1871-1926).
Jusqu’en 1989, sa tombe se trouvait dans la division 20 que vint surplomber le boulevard périphérique dans les années 1960. A cette date, sa tombe fut transférée sur le rond-point central à l’abri des vibrations destructrices et de la poussière étouffante, ce qui ne peut que réjouir le visiteur.