Elle était agrégée d’histoire et de géographie, bourguignonne, et membre actif des Jeunesse communistes avant de prendre ses distances avec le parti. Lui était ingénieur civil des ponts et chaussées et juif. La guerre venait d’éclater lorsqu’ils se marièrent.
Dans le couple, ce fut d’abord Lucie qui capta la lumière en faisant évader une première fois Raymond du camp où il était prisonnier à Sarrebourg. Réfugiés à Lyon, il leur fallut changer de nom : ce sera Aubrac celui d’un héros d’un commissaire d’une série policière en vogue, qu’ils conservèrent et qui passa à la postérité.
Ils créèrent le journal clandestin « Libération » puis, avec Astier de la Vigerie, Raymond participa à la création du réseau Libération-sud, organisa des sabotages, forma les recrues et devint membre de l’état-major de l’armée secrète. Arrêté par deux fois par la Gestapo de Lyon, par deux fois Lucie parvint à le libérer. La deuxième arrestation à Calluire, dans la même rafle que celle de Jean Moulin, avait pris une tournure dramatique : enfermé à la prison de Montluc, face à lui Klaus Barbie et ses méthodes. Enceinte, à la tête d’un commando, Lucie réussit à délivrer quatorze prisonniers lors d’un transfert en camion, dont Raymond.
Contraint à la clandestinité, précédé de sa légende, le couple rejoignit Londres en avion (fév.1944). Séparés pour cause de différentes missions, chacun de son côté œuvra jusqu’à la Libération.
Dans une période transitoire, pour éviter que la réorganisation du pays ne relevât des Etats-Unis, des commissaires régionaux de la République furent nommés : Raymond fut nommé à Marseille.
Après la guerre, pendant que le pays entamait sa reconstruction, tandis que Lucie fondait un journal
Privilèges de femmes, Raymond, en tant qu’ingénieur, fut chargé, au sein du ministère de la Reconstruction, d’organiser et de réaliser le déminage de toute la France.
Puis, s’engageant dans les luttes anticoloniales, le couple prit position contre les guerres d’Indochine et d’Algérie.
Jusqu’à la fin de sa vie, Raymond lutta pour diffuser les valeurs d’engagement et de résistance contre l’intolérance et le racisme. Plus intéressée que lui par l’approche pédagogique, à l’origine de son choix pour l’enseignement, Lucie avait entrepris de donner des conférences dans des lycées et de multiplier les messages en direction des jeunes. Sillage dans lequel il finit par la suivre.
Couple mythique de la Résistance, et de la résistance en général, jusqu’au bout ils partagèrent leur capacité d’indignation restée intacte malgré les ans. Pour autant, la notoriété de Lucie ne doit pas occulter l’engagement sans faille d’autres femmes dans la Résistance, dont les six femmes Compagnons de la Libération.
Après sa crémation au Père-Lachaise, les cendres de Lucie Aubrac furent inhumées au cimetière de Salornay-sur-Guye, commune où avaient vécu ses parents et, qu’elle chérissait avec Raymond. Cinq ans plus tard, conformément à ses dernières volontés, les cendres de Raymond Aubrac furent déposées aux côtés de celles de son épouse. Aucune inscription particulière ne distingue leur tombe des autres.