Fils d’ouvriers, en 1891, après une enfance heureuse, il embarqua comme mousse pour un voyage au long cours. Ses multiples expériences sur les mers l’ayant mené à découvrir le meilleur mais surtout le pire, il renonça à ses aventures maritimes (1897), et fit son apprentissage de typographe ; il avait alors seize ans et fréquentait régulièrement les milieux anarchistes.
D’un naturel trop confiant, victime d’un agent provocateur qui lui procura des explosifs et le dénonça, il fut condamné à six mois de prison. A sa libération, la police le signalant à ses patrons, il était congédié du moindre emploi qu’il trouvait.
Aigri, révolté, dans l’impossibilité de travailler, il eut l’idée d’opérer ce qu'il qualifiait de « reprise
individuelle ». Avec l’aide de complices, il se fit passer pour commissaire de police et opéra une rafle au Mont de Piété de Marseille en mai 1899. Arrêté et emprisonné, il s’évada. Commença alors pour lui une vie d’illégaliste professionnel. Devenu chef de bande, il s’entoura de collaborateurs anarchistes qui s’activèrent comme « opérateurs », receleurs, fabricants d’outils, fondeurs d’or et d’argent. Dressant ses plans sans négliger le plus petit détail il se lança dans des opérations de reprise individuelle « chez tout parasite social : prêtre, militaire, juge, etc. », excluant de ses listes ceux qu’il jugeait remplir une fonction utile tels les médecins, architectes, littérateurs, etc. Sauf en cas de légitime défense, il était strictement interdit de recourir au meurtre. 10% du butin total était censé être versé aux œuvres de propagande. Parcourant la France, il opéra jusqu’en Belgique et en Italie. Par la suite, il devait avouer 106 vols qualifiés et le montant des reprises sera évalué à 5 millions.
Capable d’une classe inattendue dans ce milieu, un jour, s’avisant soudainement qu’il était en train de cambrioler la maison de Pierre Loti, il remit tout en place et laissa un de ses fameux mots : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire. Attila. - P.S. : Ci-joint dix francs pour la vitre brisée et le volet endommagé. »...
En 1903, une opération à Abbeville tourna mal : lors de l’arrestation de membres de l’équipe, un agent fut tué. Une souricière établie par la suite permit l’arrestation de tous les participants. Le jugement des Travailleurs de la nuit se tint mars 1905 à Amiens où Jacob étonna, fit rire et séduisit ce qui ne lui évita pas la condamnation au bagne auquel il survécut malgré de nombreuses tentatives d’évasion.
Libéré en 1928, suite de la campagne contre le bagne lancée par Albert Londres, il se fit marchand ambulant en bonneterie et confection, et s’installa avec sa mère et sa compagne à Reuilly où, s’il avait abandonné l'illégalisme, il continua à militer par ses écrit, ses discours et ses démarches pour la cause qu’il avait épousé dès 1894.
La fin de sa vie fut comme le reste : hors norme. Après avoir organisé un goûter pour neuf enfants pauvres de la commune, il se suicida par empoisonnement à la morphine. Ce le jour là, il nota « Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J’ai la cosse. Excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la panetière. À votre santé ».
Grande figure de l’anarchisme, cambrioleur charismatique, il n’avait jamais renoncé à ses idéaux.
Malgré quelques étonnantes coïncidences, Maurice Leblanc nia toujours s’être inspiré de Marius pour son personnage d’Arsène Lupin dont la première aventure date de juillet 1905, soit après le procès retentissant d’Amiens. Mais pour certains, Arsène était un vulgaire cambrioleur, opportuniste et égoïste, alors que Jacob, pur, sincère et détaché, servait une cause.
Marius Jacob fut inhumé au cimetière de Reuilly où l’emplacement de sa tombe fut un temps fléché. Reste une plaque, dorénavant quasi illisible, rappelant encore le lien éventuel entre l’homme et le personnage de fiction, et résumant en simples quatre mots le cursus du personnage.