En 1641, elle commença sa carrière de romancière avec Ibrahim ou l’illustre Bassa, œuvre dont Georges endossa sans hésiter la paternité, comme il le fit pour d’autres par la suite comme, par exemple, Artamène ou le Grand Cyrus, vaste roman à clés en dix tomes qui parut de 1649 à 1653 et fut un vrai triomphe. Ces romans, comme la plupart de ceux qui suivirent, étaient des romans à clés, c'est-à-dire que, d’une manière plus ou moins explicite, les personnages fictifs représentaient des personnes réelles dans lesquels les lecteurs aimaient à s’identifier tel un reflet d’eux-mêmes, ce qui explique en partie l’engouement du public. La suite du roman s’attendait dans une impatience sans cesse renouvelée.
En 1650/1652, elle ouvrit son propre cercle littéraire qui devint bientôt le centre de la préciosité dont elle fut l’égérie incontestée. La Rochefoucauld, Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, Mme Scarron, etc., le fréquenteront assidûment. Cette mode, qui visait à modifier et embellir la grammaire français, mais aussi la galanterie, fut la cible de satire comme, entre autres, Les Précieuses ridicules de Molière. Toutefois, sous l’apparente frivolité de ses récits, elle révélait un esprit politique d’une grande finesse, à tendance subversive, et un militantisme féminin avant l’heure, rejetant la domination de l’homme, revendiquant l’accès à l’instruction pour les filles, etc.
Madeleine était laide, mais, peut-être aussi pour se protéger des désillusions de la passion, elle choisit l’indépendance du célibat, préférant la liberté de l’amour platonique à tout autre engagement.
Mais tout passe. Et lorsqu’une nouvelle génération d’auteurs parvint à imposer ses goûts, elle abandonna le roman pour devenir une théoricienne et une moraliste traitant, notamment, de la politesse, de la raillerie, de la jalousie, du discernement, etc.
Restée très entourée, amie des Modernes comme des Anciens, première femme lauréate d’un prix d’éloquence à l’Académie française (1671) pour son Discours sur la gloire, Louis XIV fit même frapper une médaille à son effigie en 1695.
Sa carrière littéraire, qu’elle avait voulu à l’égale d’un homme, avec ou sans la collaboration et la signature de Georges, fut couronnée par un immense succès tant en France qu’à l’étranger.
De nos jours, qui lit encore ses œuvres ? Pourtant, des siècles plus tard, sa mémoire réhabilitée, elle reste une référence plus marquante que Georges.