Puis, allié aux Frères musulmans, incarcéré, renvoyé de l’armée, après avoir tâté de tous les métiers et connu la misère, il fut réintégré sous les drapeaux, juste à temps pour prendre part à la révolution du Mouvement des officiers libres qui, en 1952, mit à bas la vieille monarchie et amena Nasser au pouvoir. Sadate avait été un de ses camarades de garnison dans leurs jeunes années. Sa deuxième vie pouvait commencer. Devenu homme politique, et désormais le type même de l’apparatchik, effacé, terne, alternant tous les postes officiels qu’on lui attribuait, les choses basculèrent un certain mois de juin 1967. Ecrasé et humilié par la guerre des Six jour, Nasser n’était plus que l’ombre de lui-même et, contre toute attente, Sadate se mua d’abord en chef de guerre, puis en homme de paix.
En 1977, devant un Parlement égyptien médusé, et à la stupéfaction du monde entier, il annonçait qu’il était prêt à se rendre en Israël pour discuter de la paix. Incroyable tournant qui marqua le début d’une séquence inimaginable cinq, dix ou trente ans auparavant. Le 19 septembre 1978, les fameux accords de Camp David étaient signés aux Etats-Unis, avec le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous le parrainage du président américain Jimmy Carter. En échange, l’Egypte récupérait le désert du Sinaï, avec ses précieux gisements, dont du fer et du pétrole, et empochait aussi, détail de poids, une aide annuelle américaine substantielle pour armer et équiper sa puissante armée. Pour tous les Occidentaux, Sadate avait bien mérité ce prix Nobel de la paix obtenu dans la foulée en duo avec Begin.