Ce fut à Toulon, qu’il voulait mettre à feu et à sang, qu’il découvrit le jeune Bonaparte qu’il nomma capitaine. S’adonnant ouvertement à la prévarication, il se mit à craindre la réaction de Robespierre dont il sentait bien les reproches. Prudent, Barras plongea dans l’opposition. Le 9 thermidor, il s’emparait de Robespierre et de ses fidèles à l’Hôtel de Ville.
Diverses autres actions firent de lui le chef des Thermidoriens. Après avoir, avec l’appui de Bonaparte, écrasé l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an III (5 octobre 1795), Barras s’installa dans son château de Grosbois d’où il régenta les cinq années du Directoire. Ce fut lui qui confia aussi à Bonaparte le commandement de l’armée d’Italie.
Toujours d’une habileté redoutable, il réussit à faire croire à Louis XVIII en la restauration de la monarchie. C’était juste avant de décapiter le mouvement royaliste par le coup d’Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) !
Les coups d’Etat ! En cette période où ils n’étaient pas exceptionnels, pour chacun d’entre eux, l’ombre de Barras ne planait jamais très loin.
S’entourant d’un luxe tapageur et d’une société de femmes faciles où brillaient Mme Tallien et Joséphine de Beauharnais, Barras parvint à se maintenir au Directoire jusqu' au coup d'Etat du 18 brumaire, auquel il ne tenta pourtant pas de s'opposer. Avec raison, Bonaparte, devenu Premier consul, se méfiant de lui, l’obligea alors à démissionner.
Il s’exila en Belgique. Il fut autorisé à rentrer en Provence en 1805. Mais en 1810, suspecté de conspiration, il fut assigné à résidence à Rome. Il rentra en France à la chute de l'Empire et, bien que régicide, il fut excepté de la proscription qui frappait tous ceux qui avaient voté la mort de Louis XVI.
Grâce à la fortune qu’il avait amassée lorsqu’il dirigeait l’exécutif sous le Directoire, il s’installa dans une somptueuse propriété à Chaillot où il vécut cloué dans son fauteuil d’infirme, mais toujours comme un prince, avant d’y mourir. Sa sépulture se situe dans une division du cimetière très fréquentée par les personnalités de son époque.
Et puis, son esprit facétieux ne s’éteignant ni avec l’âge ni avec la débauche, on raconte qu’il eut l’idée d’une dernière farce.
Il remplit des cartons de documents qu'il scella comme étant très confidentiels. Ce roublard savait très bien ce que les mots « confidentiels » déclencheraient : le gouvernement du jour se précipiterait pour les enlever, ses héritiers tout aussi curieux s’y opposeraient, etc.
Bref il y aurait un long procès que le gouvernement gagnerait qui, satisfait, pourrait enfin ouvrir les fameux cartons pour y découvrir...trente-cinq ans de factures de blanchisserie.
A l’idée de cette bonne blague, Barras éclata de rire pour mourir le soir même.
Beaucoup plus certain, à peine trépassé, une tentative d’enlèvement de ses papiers politiques eut bien lieu sur l’ordre du ministre de la Justice, Peyronnet ; mais ils avaient déjà disparu.
Napoléon Ier en fit « le roi des pourris », ce qui n’était pas totalement infondé. Néanmoins, au regard de ce qu’il lui devait et de certaines de ses propres actions, le commentaire n’était pas indispensable.
Paul Barras fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise où sa tombe aurait bien besoin d'un bon nettoyage