Fait souvent gommé par la célèbre formule de Mirabeau lors du serment Jeu de Paume, ce fut Mounier qui, pour répondre aux menaces dont elle était l’objet, déclara que l’Assemblée devait s’engager par un serment solennel à ne pas se dissoudre avant d’avoir fixé la constitution. La motion souleva un enthousiasme que le tableau de David n’a pas exagéré. Ses nouvelles Observations sur les états généraux de France lui valurent un très grand prestige à l’Assemblée où le plus redoutable adversaire à ses propositions fut Sieyès.
Pénétré de cet esprit de constitution, il se défiait des tables rases en politique et voulait améliorer les choses là où d’autres voulaient les détruire. La pensée de refondre la France entière sur un modèle nouveau lui semblait insensée ou criminelle : ses vœux se bornaient à l’établissement d’une monarchie constitutionnelle et à une constitution écrite tout en souhaitant un veto absolu pour le roi et un bicamérisme avec une Chambre haute de pairs.
Brocardé par la foule parisienne sous le nom de « Monsieur Veto », il suggéra à Louis XVI d’utiliser la force contre la foule venue assiéger le château de Versailles. Pendant que des projets de déclaration de Droit de l’Homme, et un paquet d’élucubrations, s’accumulaient, Mounier en avait préparé un en 16 articles dont les trois premiers allaient constituer les trois premiers de notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen:
- Article premier : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
- Article II : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
- Article III : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. Ce modéré hostile aux privilèges souhaitait une aristocratie fondée sur le talent et abhorrait l’égalitarisme plébéien, assimilant la démocratie à une tyrannie de la multitude et de l’incompétence…
Mais devant la coalition des rancunes, des jalousies et des utopies, les anglomanes, comme on les appelait, échouèrent.
Le 8 octobre 1789, dégouté par l’attitude du roi et par la montée d’un pouvoir plébéien fondé sur des mouvements de foules manipulées, Mounier donna sa démission de député. Il se réfugia en Savoie avant de s’exiler en Suisse, Angleterre, Italie et Allemagne jusqu’en 1801.
Revenu en France, il fut nommé préfet d’Ille-et-Vilaine. Au début de 1804, il fut désigné par le département comme candidat au Sénat conservateur avant de recevoir la Légion d’honneur. Napoléon préféra le nommer conseiller d'État.
Atteint par une maladie de cœur et habitué depuis des années à lutter contre la souffrance, il continua à vaquer à ses occupations malgré sa santé déclinante.
Le 26 janvier 1806, après un affaiblissement Mounier s’éteignit paisiblement dans son fauteuil.
« Celui là était un honnête homme » dit Napoléon en apprenant sa mort et il donna bientôt la preuve de sa sympathie en accordant une pension à la famille du défunt, laissée dans un état précaire. Les éloges funèbres ne manquèrent pas.
L’ancien constituant était mort fonctionnaire de l’Empire. Ce dont sa disparition précoce le privait, sera donné à son fils, Claude Edouard Philippe (1784 – 1843) qui se distingua sous l’Empire puis sous la Restauration.
Après de pompeuses funérailles en l’église Saint-Roch, Jean-Joseph Mounier fut inhumé au cimetière parisien de Vaugirard. Avant même les années d'exhumations dues à la désaffection du cimetière, on retrouve la trace de sa dépouille dans la 32ème division du cimetière du Père-Lachaise où elle fut transférée en février 1812.