Arrêté en même temps que ses comparses il fut, comme eux, libéré par la Commune de Paris. Robespierre et sa clique étaient à l’Hôtel de Ville. Sous une pluie torrentielle, suivi par deux deux gendarmes, Couthon se déchaîna sur les deux manivelles de son fauteuil pour les y rejoindre au plus vite.
Le fauteuil de Couthon ! Il avait appartenu à la comtesse d’Artois, avait été relégué dans les entrepôts du mobilier national avant de lui être prêté. Quand son usage était impossible Couthon se faisait porter sur le dos d’un homme qui lui était affecté.
Arrivé à l’Hôtel de Ville, Couthon n’a qu’une idée : tenter de faire signer à Robespierre une proclamation au peuple et à l’armée. C’était peut-être leur seule chance de sortir vivants des mains de leurs adversaires. Robespierre refusa. Couthon sut alors que leur fin était proche. D’ailleurs les troupes étaient déjà là. Dans un désordre indescriptible, Couthon assista au massacre de ses amis. Privé de son porteur, il se traîna comme il put sous une table où il se cacha.
Découvert, on le jeta comme un ballot de linge sale sur le palier de l’escalier qu’il réussit à dégringoler.
On le trouva le lendemain matin dans une petite cour vers laquelle il avait réussi à ramper et où « il faisait le mort ». On le porta en civière jusqu’à l’Hôtel Dieu où le chirurgien Dassault* soigna ses blessures. Toujours en civière on le mena aux Tuileries. On le laissa dans cet appareil au pied de l’escalier du Comité de Salut Public.
Puis, avec les déchus de la veille, on le conduisit à la Conciergerie. On lui appliqua la loi du 22 prairial dont, lors d’une époque plus propice, il avait été l’instigateur.
*Le docteur Desault eut un temps la charge de Louis XVII. A son décès, le docteur Pelletan lui succéda auprès de l’enfant du Temple.
Après le simple constat de son identité et sans autre forme de jugement, on l’amena à l’échafaud avec les vingt et un autres condamnés à mort du jour. Couthon, le front cerné d’un bandeau et livide, était de la troisième charrette. Il paraissait étonné par les cris et les insultes qui accompagnaient le convoi; il regardait autour de lui comme frappé de stupeur.
Il faut imaginer cet infirme porté jusqu’à la plate-forme de son supplice par les commis du bourreau. A cause de son corps atrophié il fallut un quart d’heure pour l’installer « correctement ». Pendant ce temps, les huées de la foule couvraient les hurlements de douleur que lui arrachaient toutes ces manipulations.
D’abord inhumé dans une fosse commune au cimetière des Errancis, ses restes furent transférés dans son ultime sépulture, aux Catacombes, à la fermeture du cimetière.