Jouant avec les mots, défiant la pensée cartésienne, sensible jusqu'à l'excès, pudique jusqu'à l'ascèse, il était aussi peintre, pour le plaisir et pour survivre.
En 1917, avec la publication du Cornet à dés, poèmes en prose, Max Jacob jeta aussi les bases de l’art nouveau, en digne précurseur des surréalistes.
A la fois bon vivant et mystique, homme de chair et homme de foi, bouffon et un jour martyr, cette personnalité protéiforme et déroutante était vouée à agacer ou à séduire.
Sa conversion bruyante au catholicisme, suscita bien sûr l’ironie, mais elle était profonde et sincère. Il se dévergondait dans les "mauvais lieux" de Pigalle et, pour se faire pardonner, grimpait sur les genoux les escaliers qui conduisent au Sacré Coeur où il servait la messe du matin.Du bordel à l'autel il menait ainsi une vie de misère et de repentir.
Baptisé en 1915, avec Picasso comme parrain, il quitta Paris et ses tentations en 1921 pour Saint-Benoît-sur-Loire, afin de "sauver (son) âme". Il logeait au monastère, alors désaffecté, et vivait, dans la modeste compagnie de l’abbé local, une existence rythmée par le rituel quotidien de la pratique religieuse. Les offices, le catéchisme des enfants et les méditations, auxquelles le poète s’astreignait, jalonnaient le temps de l’écriture tout en entretenant une énorme correspondance avec ses anciens amis.
Pourtant en 1928, lassé de son chemin de croix de pénitent, Max Jacob renoua avec la vie parisienne glorieuse et agitée pour revenir en 1936 dans le silence et le mysticisme de Saint-Benoît qui fut le témoin de son martyr.
En février 1943, Gaston, son frère aîné fut déporté à Auschwitz Birkenau et gazé dès son arrivée au camp.
Bien que conscient de tous les dangers, il refusa toutes les offres nombreuses de le cacher, de le faire passer en zone libre ou de lui procurer de faux papiers. Il travaillait toujours intensément : lettres, peintures, poèmes et son énorme correspondance le montre alors partagé entre la colère et le désespoir.
De retour à Saint-Benoît, où il se sentait connu, aimé, protégé en dépit du harcèlement des miliciens, des gendarmes et de la Gestapo, le poète ne le quitta plus le village.
En janvier 1944, ce fut au tour de sa plus jeune sœur d’être déportée et elle aussi de disparaitre dès son arrivée à Auschwitz.
Obsédé par l’arrestation de sa sœur « préférée » sa correspondance poétique avait laissé place à l’angoisse et à la détresse. Il tenta vainement de faire intervenir des amis pour la sauver.
Le 24 février Max était arrêté à son domicile par la gestapo d’Orléans. Incarcéré dans des conditions sordides à la prison militaire d’Orléans, il s’occupa des détenus et se dévoua auprès des malades, mettant son sens de la dérision au service de leur distraction.
Le 28, ce fut la déportation en train vers Drancy pendant laquelle il montra des signes de fatigue. Dès son arrivée au camp, il fut inscrit pour le prochain convoi pour Auschwitz. Très malade, il fut admis à l’infirmerie où il mourut le 5 mars.
Le 6 son acte de décès était enregistré à la mairie de Drancy. Pendant quelques jours on le crut vivant, on crut à sa libération au point qu’à Saint-Benoît on se préparait à l’accueillir.
Le 11 mars, Max Jacob fut inhumé, par l’Union Général des Israélites de France chargé des décès à Drancy, dans une fosse du cimetière parisien d’Ivry (et non d’Ivry comme je le vois écrit presque partout), située dans la division 44.