Elle s’était installée place Royale (place des Vosges). Dans son salon se retrouvaient les écrivains les plus célèbres. Dans son lit, se bousculèrent le poète libertin Barreaux, qu’elle avait épousé très jeune et avec qui elle portait le nom de Grappin ; le duc de Brissac ; le chevalier de Gramont ; Cinq-Mars, auquel elle fut unie par un mariage secret ; le duc d’Enghien, futur prince de Condé ; le petit-fils de l’amiral de Coligny ; le duc de Buckingham, et même le cardinal de Richelieu qui souhaita la rencontrer et avec qui elle se montra peu farouche…
Magnifiquement lascive et dépensière, bien qu’entretenue, elle ne demandait pas toujours d’argent à ses amants mais de la vaisselle d’argent, des « nippes », comme des gants qui ne lui duraient que trois heures. Elle passait des matinées entières les pieds dans l’eau chaude.
Sa vie aurait pu ainsi s’écouler au rythme de la galanterie et des plaisirs. Mais, à bout de ressources, Marion intégra le foyer maternel où elle demeura environ deux ans. Compromise dans les troubles de la Fronde, elle reçut une lettre de cachet, mais ne fut pas embastillée.
Une triste fin lui épargna la geôle. Enceinte, et ne souhaitant pas garder l’enfant, elle ingurgita une dose trop forte d’antimoine. Intoxiquée, gravement malade, dix fois de suite le curé de Saint-Gervais se rendit à son chevet pour la confession de Marion qui expira laissant la place libre à son « amie » et jeune rivale, Ninon de Lenclos.
Morte, son corps vêtu de blanc et sa tête ceinte d’une couronne de lilas provoqua les protestations de la foule et même du curé de Saint-Gervais.
Dans son Journal historique, Loret écrit :
« La pauvre Marion de l’Orme,
De si rare et plaisante forme,
A laissé ravir au tombeau
Son corps si charmant et si beau »
Marion Delorme fut inhumée dans le cimetière Saint-Paul-des-Champs d’où sa tombe disparut quand le cimetière fut loti pour des bâtiments. A moins que, tous les ossements n’ayant pas été retirés, les siens y soient toujours.
Mais sa disparition marqua le début d’une légende. Pour beaucoup Marion était toujours vivante. Afin d’éviter la Bastille, elle aurait simulé sa mort avec l’aide de Guy Patin, célèbre médecin de Louis XIII qui l’aurait cachée chez lui avant qu’elle n’aille en Ecosse où elle aurait épousé un riche lord. Veuve et profitant de la mort de Mazarin, elle aurait regagné la France et aurait épousé le bandit de grand chemin qui l’avait attaquée pour la détrousser avant de la trousser tout court...
De nouveau veuve après trois ans, elle se serait remariée avec cette fois un procureur fiscal, nommé Le Brun, de dix-huit ans son cadet et qu’elle aurait enterré dix-sept ans plus tard. Agée de 78 ans elle aurait pour certains vécu jusqu’à 94 ans.
Enfin d’autres n’hésitèrent pas à la faire mourir à 134 ans et dix mois sous le nom Marie-Anne Grappin qu’elle portait à ses débuts de vie galante.
Considérée comme impérissable par les parisiens, ceux-ci citaient indifféremment les tours Notre-Delorme ou Marion Delorme quand ils parlaient d’un objet à l’abri de l’épreuve du temps.