Bon sang ne saurait mentir. Après sa grand-mère et ses tantes, dès sa plus tendre enfance, Jeanne fut le type le plus merveilleusement doué pour le théâtre. D’allure franche, toujours riante, apportant la joie partout où elle passait, possédant une voix bien timbrée et mordante, elle fut la soubrette idéale de Molière. Rire communicatif et charme irrésistible telle était l’enfant gâtée de la Comédie française où elle débuta dans le rôle de Dorine (Tartuffe) à dix-huit ans au sortir du Conservatoire. Elle remporta tous les suffrages.
Elle avait épousé Paul Lagarde avec lequel elle formait un couple heureux. Tout lui réussissait, lui souriait.
Artiste fêtée, elle n’avait plus qu’une idée en tête : incarner une nouvelle de Maupassant, Yvette. Maupassant, qui n’aimait guère les expériences théâtrales, fuyait la proposition. En septembre 1890, Jeanne se trouvait en vacances à Trouville. Le projet si longtemps rêvé par l’artiste était enfin accepté par l’auteur. Mais, quelques jours plus tard, elle fut victime d’une fièvre typhoïde. Ramenée d’urgence à Paris, elle succomba peu après.
Sa mort si rapide et inattendue laissa sous le choc non seulement pour la Comédie française mais aussi le public qui n’avait pas eu le temps d’apprendre sa maladie. Comment comprendre que tant de jeunesse, de beauté et de joie soit anéanti aussi brutalement. Plus de deux mille personnes suivirent son convoi funéraire jusqu’au cimetière de Passy où elle fut inhumée. Elle avait traversé la scène comme un astre lumineux dont il reste de nombreux portraits, notamment ceux d’Auguste Renoir.