A défaut d’être belle, elle exerçait une séduction irrésistible à laquelle céda d’Alembert, grand ami de sa tante, amour qu’il n’osa lui avouer que bien des années plus tard.
Si Mme du Deffand ne prit pas de suite ombrage du succès de sa nièce, la jalousie finit par la pénétrer jusqu’au drame. Julie était logée dans un petit appartement qui communiquait avec les appartements de Mme du Deffand. Initiée par d’Alembert, l’habitude fut prise par d’autres initiés de visiter Julie avant de se rendre au salon. Quand Mme du Deffand découvrit le pot-aux-roses, elle chassa sa nièce et somma ses hôtes de choisir. Et ils choisirent…Julie. La brouille entre les deux femmes fut retentissante. Jamais, Mme du Deffand ne pardonna à sa « traîtresse » de nièce qui, contrairement à ce qu’elle pensait, ne finit pas ses jours dans un couvent, mais monta son propre salon avec son fidèle d’Alembert en 1764.
Le succès fut immédiat. Femme des Lumières, intelligente, très habile à diriger la conversation, sa vivacité d’esprit et sa finesse faisaient oublier son visage marqué par la petite vérole dont elle venait d’être victime.
De ses lectures, elle tirait un jugement original et perspicace. On aimait Julie, on aimait son salon. Condorcet, qu’elle encouragea à se consacrer aussi à la littérature et dont elle était très proche ; Turgot et Malesherbes y discutèrent de réformes; tous les étrangers illustres qui passaient à Paris visitaient Julie. Et tant d’autres dont Condillac et Marmontel.
Mais Julie était aussi d'une nature exaltée. Son âme ardente recherchait les sentiments extrêmes et la vouait à des passions malheureuses. Elle s'éprit successivement du marquis de Mora, bientôt rappelé par sa famille et qui mourut trop tôt pour l’épouser, et du comte de Guibert (1743-1790), qui fut son amant, et dont l'indifférence la tuait à petit feu.
De santé fragile, rongée par sa nature et son amour sans retour, assistée de d’Alembert, Julie de Lespinasse mourut dans un accès de toux mêlé de convulsions, laissant ses amis inconsolables.
Elle fut inhumée en l’église Saint-Sulpice où… Mme du Deffand devait la rejoindre quatre ans plus tard. Il ne reste aucune trace de sa sépulture.